dimanche 26 février 2012

LE "VÉRITOMÈTRE ", DÉTECTEUR DE MENSONGES DE LA PRÉSIDENTIELLE

Il est l’une des inventions très spéciales des journalistes web cette année dans le cadre de l’élection présidentielle française. Le Véritomètre a été lancé il y a dix jours par Owni.fr et I-télé, et il n’en finit pas de faire le buzz sur la toile. Son principe assez répendu dans la presse anglo-saxonne est très simple : il décortique dans les moindres détails les discours des six principaux candidats à la présidentielle, et vérifie chaque déclaration et chaque chiffre avancé, grâce à une base de données statistiques spécialement créée. Le tout pour démontrer si ce qu’annonce le candidat est crédible, ou non.

Page d'accueil du Véritomètre au 26 février 2012
Un condensé de nouvelles pratiques journalistiques
Cette initiative, au-delà de ce qu’elle permet, crystallise les nouvelles tendances en journalisme qui se développent actuellement. Le data-journalisme, principe même du Véritomètre, en est une. Cette pratique qui se normalise désormais dans le métier consiste à extraire et analyser des données chiffrées, afin de les rendre accessibles à chaque citoyen. Le citoyen justement est au centre de l’attention des concepteurs. En effet, ces derniers ne proposent pas uniquement de vérifier eux-même les chiffres annoncés par les candidats, ils mettent aussi à disposition des internautes des données statistiques (graphiques, tableaux, etc.), délivrées en grande partie par l’Insee et Eurostat, afin qu’ils puissent faire ce travail dans une démarche d'investigation personnelle. Pour Fabrice Angotti, rédacteur en chef de I-télé, le Véritomètre « donne la possibilité au citoyen de faire sa propre vérification. En temps réel quand on est devant notre télévision à écouter Nicolas Sarkozy ou François Hollande, et que ces candidats martèlent des chiffres, on a la possibilité d’aller enfin voir de manière assez simple si ce qu’ils disent est vrai ou pas ».

« Déshabiller les candidats de leur armure de chiffres »
Cette petite phrase est signée Sylvain Lapis, journaliste politique d’Owni.fr, et co-concepteur du Véritomètre. Pour lui, il s'agit de voir « ce que les candidats ont à proposer en terme de politique, de vrai programme, de projet de société », en vérifiant si l'utilisation des chiffres se fait de manière exacte et au service du discours et du programme, ou au contraire à des fins de mensonges aux citoyens. Alors comment fonctionne cet outil? Petit travail pratique : 

Nous sommes aujourd’hui le dimanche 26 février, et le Véritomètre a actualisé à minuit son classement des candidats sur la base de la crédibilité de leurs propos.

Classement de crédibilité des 6 principaux candidats à la présidentielle au 26 février 2012
Jean-Luc Mélanchon est en tête du classement de crédibilité. Cela signifie simplement que durant ses interventions, le candidat du Front de Gauche est celui qui utilise le plus souvent des données exactes. A l’inverse Marine Le Pen ment près d'une fois sur trois lorsqu'elle donne des informations chiffrées. Pour en arriver à cette conclusion, Owni.fr a vérifié les différents chiffres avancés depuis le début de la campagne par les candidats durant leurs discours, en les confrontant avec ceux présents dans la base des données du site.

5 thèmes majeurs du débat de l'élection présidentielle


Evidemment, le Véritomètre ne prétend pas à l’exhaustivité de ses statistiques, il arrive ainsi que certaines interventions médiatiques ne permettent aucune vérification. Mais le point fort du site reste l’organisation en arborescence, qui donne à chaque internaute la possibilité de retrouver aisément des chiffres souvent repris par les candidats, comme par exemple l'évolution de la dette publique en France depuis 2000 :




Evolution de la dette publique française depuis 2000, accessible sur le Véritomètre
Prenons l'exemple des chiffres avancés par François Hollande. Avec 66,7% de moyenne, il est le deuxième candidat jugé le plus crédible dans ses interventions derrière Jean-Luc Mélanchon, et assez loin devant son principal rival Nicolas Sarkozy, qui obtient 51,9% de crédibilité. Le dernier grand meeting de François Hollande à Rouen le week-end dernier a été passé au crible et crédité de 70% de crédibilité. Ci-dessous quelques exemples de vérifications des chiffres annoncés par le candidat socialiste ce jour là.

Évaluation de citations du discours de François Hollande du 15 février 2012

Avec cette image, on se rend compte pour finir, que le site peut aussi mettre en avant l’imprécision des propos. Ceci constitue un avantage, quand on connait la tendance qu’ont les politiciens à exagérer certains chiffres en les surestimant.

En direct ou en différé, le véritomètre sert donc de détecteur de mensonges aux citoyens. Plus encore, ce concept de "fact-checking" est un outil démocratique qui permet de voir de façon extrèmement concrète, même si le site n’est pas exhaustif au niveau des statistiques fournies, quel candidat sort du lot en matière de crédibilité de ses propos. 

mercredi 22 février 2012

LE GUARDIAN LANCE NEWSDESK LIVE : UN PAS DE PLUS VERS LE JOURNALISME PARTICIPATIF


Alors que « Horizons médiatiques » vous présentait dans un dossier paru le mois dernier les initiatives du « Guardian 2.0 », sensées permettre au journal de faire face à la crise de la presse, le quotidien britannique a lancé le 30 janvier dernier Newsdesk Live. Son objectif : franchir une nouvelle étape dans la participation des lecteurs à la conception du journal.

La suite logique de la Newslist
Après s’être lancé dans le Datajournalisme, après avoir créé son application Facebook et Ipad, et après avoir donné naissance au Tagbot, le robot Twitter, le Guardian a franchi un pas supplémentaire dans l’innovation journalistique et le journalisme participatif, dont il se fait le pionnier. Newsdesk Live est donc le nouveau bijou du journal britannique, venant dans la continuité de la Newslist présentée au sein du dossier cité précédemment.

Open Newslist du 22 Février 2012

Pour rappel, cette Newslist permet à chaque internaute d’accéder librement aux différents sujets à venir, traités par la rédaction du Guardian. Cet agenda ouvert à tous, présenté sous la forme de tableur et intégré par Google Doc est une sorte de document de travail partagé, dans lequel sont listés les sujets du jour et le journaliste en charge. Les lecteurs sont alors invités, par l’intermédiaire du hashtag #opennews sur Twitter, à prendre part au travail de la rédaction. L’internaute peut ainsi apporter ses suggestions, ses témoignages, ses contradictions.

Newsdesk Live va encore plus loin
Pour compléter cet outil qui n'est pas sans failles, le Guardian a donc conçu le blog Newsdesk Live, mis en place le 30 janvier dernier. 

Sur la page d’accueil du site se trouve le petit encart ci-contre. Pour les non anglophones, une traduction s’impose : « Chaque jour sur Newsdesk Live, l'équipe de la rédaction du Guardian vous apportera les nouvelles que nous avons recensées, vous expliquera comment nous les avons sélectionnées, et vous demandera de vous impliquer. Envoyez-nous vos idées, vos témoignages et expériences pour aider à façonner notre couverture ».

Le message est clair, les lecteurs sont invités à participer à la fabrication du journal. En ce 22 février, les deux sujets principaux étaient le verdict en appel concernant la possibilité des manifestants anticapitalistes à poursuivre ou non leur mouvement devant la cathédrale Saint Paul  de Londres, ainsi que les problèmes au sein de la compagnie de travail A4E. Les sujets sont ainsi recensés dans ce tableau.



Tableau des sujets du 22 Février 2012

On constate ici que chaque sujet est accompagné du journaliste qui le traite, afin que l'internaute puisse échanger avec lui via Twitter. Mais la principale révolution de Newsdesk Live par rapport à la Newslist, c'est que l’internaute n’est pas obligé de se limiter à Twitter et donc aux 140 caractères d’un tweet. Il peut désormais contacter le journaliste par mail. De plus afin de rendre compte de l'avancée des articles et de certaines correspondances internaute/journaliste, un fil interactif animé par Polly Curtis, figure clé du journalisme participatif au Guardian, a été créé. Ce fil a donc pour vocation de former une sorte de « brain-storming ». On se rend malgré tout compte qu'en dépit des intentions de mêler les commentaires des internautes et des journalistes, ces derniers sont largement sur-représentés. 


Vers une généralisation de ces outils?
Les médias l'ont bien compris, les internautes veulent, en plus de suivre en temps réel et de chez eux l'actualité, être impliqué dans le processus de fabrication de l'information. Certaines plateformes offrent la possibilité de se muer en journaliste amateur, c'est notamment le cas du Post en France. D'autres comme le Guardian avec Newsdesk Live permettent de tenter l'expérience de la conférence de rédaction ouverte. Cette collaboration a différents degrés d'implication. Par exemple en Suède, le quotidien régional Norran a mis en place un live chat permettant aux lecteurs de discuter en temps réel avec la rédaction sur les idées de sujets. Rue 89 en France propose une conférence de rédaction les jeudi à 9h retranscrite en chat par des journalistes, offrant la possibilité de réagir. Ces démarches permettent cependant davantage une immersion plutôt qu'une réelle interaction. Elles assouvissent toutefois le besoin de proximité des internautes avec les médias.

vendredi 10 février 2012

LA STRATÉGIE PAYANTE DU LEADER DE LA TÉLÉVISION POLONAISE

TVN est devenu en 15 ans le groupe de télévision privé le plus puissant en Pologne. Leader de la télévision gratuite et à péage, détenteur de onet.pl, le deuxième portail web du pays après Google, TVN est considéré comme « la marque la plus prestigieuse et la plus chère dans le secteur des médias » par le quotidien national Rzeczpospolita. Le groupe Canal+ a même récemment décidé d'y investir. Focus sur l'expansion fulgurante de TVN.

En lançant la chaine TVN le 3 octobre 1997, le groupe du même nom a mis en marche une machine qui en l'espace de 15 ans est devenue la chaine de télévision la plus regardée en Pologne. Afin d'écraser sa principale concurrente "Telewizja Polska", TVN a pris le parti d'acquérir une position très forte sur le segment stratégique des 25 – 50 ans. Divertissements, grand spectacle, télé-réalité, adaptation d’émissions à succès venues de l'étranger comme "Qui veut gagner des millions" ou "Big Brother" : autant de programmes liés à la volonté de la chaine d'attirer cette population pour réaliser les meilleures audiences.

Une large gamme de chaines thématiques
En plus de TVN, le groupe a développé une offre de chaines thématiques. C'est ainsi que voit le jour en 2001 TVN 24, devenue aujourd'hui la première chaine d'information en continue du pays. En 2002, TVN poursuit son expansion en rachetant à l’allemand Bertelsmann la chaine RTL7 qu’elle rebaptise TVN 7. Elle modernise alors la programmation en misant sur deux axes principaux : le cinéma et les séries. En 2003 le groupe lance TVN Météo, TVN Turbo (sports mécaniques), puis TVN Style (mode) en 2004.

L’année 2004 marque également l'ouverture sur l’extérieur du groupe, qui décide de lancer iTVN, une version dédiée à l'international qui reprend les meilleurs programme des différentes chaines. Elle est disponible sur la plupart des opérateurs du câble et du satellite aux Etats Unis et en Europe de l'Ouest. 

A la pointe de l'innovation
Depuis 2006 TVN a fait de l'innovation son principal atout. Le groupe s'est rapidement positionné sur le secteur de la télévision numérique gratuite et à péage en lançant ses deux bouquets satellites Telewizja N et Telewizja na karte (TNK).

- Lancé en 2006, Telewizja N se veut être le "bouquet de l'innovation technologique et des exclusivités" en proposant un grand nombre de chaines en haute définition, un bouquet de web-radio, un service VOD (vidéo à la demande), et surtout une programmation spécifique avec plusieurs chaines produites en interne : Wojna i Pokój (documentaires historiques), nSport HD, nFilm HD 1 et 2 par exemple.
- Lancé en 2008, TNK est le premier bouquet satellite du genre en Pologne. Directement inspiré des offres prépayées de téléphonie mobile, il permet d’accéder sans abonnement et en illimité à certaines chaines en HD, tandis que les autres nécessitent un  paiement par le biais de la carte prépayée.

Se développer sur Internet et étendre son accessibilité grâce à la VOD
TVN occupe surtout une position dominante sur le Web : en 2006, le groupe décide de racheter l’intégralité des parts de la société Onet.pl, qui exploite le portail Internet du même nom.

Onet.pl est le portail Web le plus consulté en Pologne après Google avec 12,188 millions d’utilisateurs en septembre 2011 selon le Megapanel PBI Gemius. Désormais, tous les sites internet des émissions et des présentateurs du groupe TVN sont hébergés par Onet, tout comme la web TV et le portail de VOD. De même, le site Plejada.pl lancé par en 2009 sous le prétexte d'un site d'information "People", permet au groupe de se doter d'une plateforme vidéo pour assurer la promotion de ses programmes TV, par le biais d'extraits d'émissions, bandes annonces, etc.

Le développement d'une offre de contenu vidéo sur le modèle de la VOD représente ainsi un axe de développement majeur pour TVN.
La plateforme TVN  player en est l'aboutissement : comparable à Pluzz lancé par France Télévisions, elle permet aux internautes d’accéder à l’ensemble du catalogue de programmes produits par TVN, comme les séries à succès ou les dernières émissions diffusées à l'antenne. Le tout étant entièrement financé par la publicité, donc gratuit pour l'internaute.

Le "relais de croissance" de Canal+
En août dernier, l’actionnaire principal Grupa ITI a annoncé son intention de céder TVN en évoquant "de nouvelles opportunités stratégiques". Début novembre, l'actionnaire annonce l'ouverture de négociations exclusives avec Canal+/Vivendi, déjà détenteur en Pologne du bouquet satellite Cyfra+. C'est le 19 décembre dernier que l'accord entre le groupe les deux groupes a été signé.

L'objet de cet accord : la fusion des bouquets de chaînes payantes Cyfra+ et Telewizja N. Canal+ devient ainsi l'actionnaire majoritaire du nouveau bouquet payant avec 51% des parts. Pour Bertrand Meheut, PDG du groupe "La croissance en France est plus limitée, il est donc naturel d'aller chercher des relais de croissance à l'étranger". Un relais de croissance à fort potentiel, qui permettra à Canal+ de réaliser 30% de son chiffre d'affaire à l'étranger, contre 25% aujourd'hui.

vendredi 3 février 2012

LES JOURNALISTES EN PLEINE QUÊTE IDENTITAIRE

Ce jeudi 2 février, l’Université Catholique de Louvain la Neuve (Belgique), a présenté comme chaque année ses trois docteurs Honoris Causa 2012. Parmi les lauréats figure Daniel Cornu. L’ancien journaliste suisse de 72 ans a livré dans les colonnes du Soir sa vision de l'identité, du rôle et des défis qui attendent les journalistes à l'heure des nouvelles technologies. L'occasion pour moi de m'entretenir en parallèle avec Benoit Grévisse, directeur de l’École de Journalisme de Louvain et parrain de Daniel Cornu le temps de cette cérémonie. Décryptage.

« Tous connectés… un levier pour la démocratie ? » 

Revenons tout d'abord sur le thème qui a été choisi par l'UCL pour la remise de ces doctorats. L'université s’est penché cette année sur le lien entre les nouvelles technologies et le débat démocratique. Ainsi, pour échanger sur les apports d’Internet, mais aussi sur ses failles et les défis qu’il reste à accomplir, l’université a désigné trois personnalités, ayant des rapports différents avec les nouvelles technologies.

- Salil Shetty pour Amnesty International : La plus grande organisation de bénévoles au monde a été honorée à travers son secrétaire général. Elle utilise les réseaux sociaux pour mettre en relation ses 3 millions de membres et sympathisants, et donner de l’ampleur à ses actions.

- Solange Lusiku, journaliste en Afrique : Elle est la rédactrice en chef du « Souverain », l’unique journal d’opposition publié à Bukavu, dans l’Est du pays, et lutte pour l’indépendance de la presse : « Nous journalistes, on ne se laisse pas inféoder par des idéologies politiques. (…) on est là pour voir ce qui se passe, pour analyser, pour donner son opinion, pour écrire, pour informer » a-t-elle déclaré après la remise de son prix. Elle milite également pour permettre l’accessibilité d’internet à tous dans sa région, rendue impossible par la grande pauvreté des habitants.

- Enfin, Daniel Cornu, ancien journaliste : Âgé de 72 ans, il a notamment été rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», enseignant dans les universités de Genève, Neuchâtel et Zurich, vice-président du Conseil suisse de la Presse. Il est aujourd'hui médiateur de presse. C’est précisément sur cet homme que nous allons nous attarder.

« S’inquiéter du désordre »

Daniel Cornu reconnait qu’Internet est un plus pour la démocratie car il permet à toute personne, tout citoyen d’exprimer son opinion et donner des informations sans passer par un média traditionnel : « C’est une révolution. (…) On le mesure chez nous, dans nos vieilles démocraties occidentales, mais on le mesure évidemment encore plus là où il n’y a pas de démocratie ». Il regrette cependant le fait qu’ « un certain nombre de personnes ont tendance à le faire d’une façon libre et libertaire, ce qui conduit à créer du désordre, notamment par rapport aux institutions ou à d’autres personnes ».

Si l’UCL a choisi de le récompenser, c’est pour son ouvrage « Journalisme et vérités », qualifié comme la référence en matière d’étude sur l’éthique et la déontologie de l’information. Benoit Grévisse explique que Daniel Cornu a mis en place dans ce livre un cadre théorique reconnu scientifiquement, qui se base sur la réalité de l’évolution des pratiques de l’information : « sa pensée permet de voir les enjeux de responsabilité sociale des médias d’information dans le cadre des nouvelles technologies. Or on sait à quel point ces nouvelles technologies  remettent à l’avant plan la question de l’identité journalistique ». 

 « Menacés, les journalistes doivent mettre leurs pratiques et leurs valeurs en avant »

Dans une interview accordée au quotidien belge Le Soir, Daniel Cornu est longtemps revenu sur sa vision du journalisme, et surtout la manière dont la profession doit procéder pour affirmer son identité et sa crédibilité. Son leitmotiv : l’éthique. 

Il a pris soin d’exprimer son opposition à l’appellation « journalisme citoyen ». Pour lui, ceux qui s’expriment sur le net, sur les forums des journaux en ligne ou sur les médias collaboratifs ont toute la légitimité pour participer au débat public. Mais ils ne sont en aucun cas des journalistes. « Ils n’en appliquent pas les pratiques. (…) Un journaliste se doit d’identifier la source d’une information, il doit la recouper par au moins une autre source indépendante de la première. L’internaute qui envoi ce genre de contenu n’est pas tenu à ce genre de précautions. ». Le journaliste se doit donc d’affirmer sa différence en triant, en donnant un sens à l’information. Plus globalement, les nouvelles technologies doivent pousser la profession à réfléchir sur la manière d’avoir une plus-value informationnelle.

« Être un accro du tweet, ce n'est pas ça qui fera la différence »

Nous sommes encore dans une période d’apprentissage de ces nouvelles technologies. Twitter en est l’exemple criant : le réseau social est devenu un outil d’information en tant que tel, mais pour Benoit Grévisse, ce n'est pas la bonne direction pour le journalisme : « Maitriser les technologies, être un accro du tweet, ce n’est pas ça qui fera la différence entre un journaliste et le grand n’importe quoi sur le net plus tard. Ce qui fera la différence c’est que le journaliste apporte une plus-value, fasse des sujets bétonnés par les sources et montre au lecteur son regard sur le monde ».  Avant d’ajouter « La déontologie c’est réfléchir sur ce qu’est est un journaliste dans la société aujourd'hui, et sur ce qui a un intérêt intellectuel à présenter au public ». La réflexion identitaire et éthique apparait donc plus importante encore que l’appropriation des techniques modernes.

« La force des journalistes, c’est leur déontologie »

Recouper les sources, trier et sélectionner l'information, la remettre dans son contexte, là est la mission première du journaliste. Et c'est justement en proposant une information triée et pertinente que la profession obtiendra la plus-value attendue : « Certains pratiquent cette profession de façon plus sauvage que d’autres. (…) La presse doit en permanence prolonger sa réflexion déontologique. C’est vital pour elle. Ce qui est intéressant avec Internet, c’est que cela oblige les journalistes à se remettre en question, à veiller plus que jamais à la traçabilité de ses sources (…) et à ne pas relayer certaines informations, aussi. » précise Daniel Cornu.

Alors que la réflexion sur le modèle économique des médias, et notamment de la presse écrite bat son plein, il demeure capital pour la profession de ne pas négliger non plus ces réflexions identitaires et déontologiques.