vendredi 27 avril 2012

LES JOURNALISTES ET LES RESEAUX SOCIAUX MIS EN CAUSE APRES LE DRAME DE SIERRE

Crédit photo : Belga
Le 13 mars dernier un autocar transportant des enfants belges de retour de classe de neige, avait percuté un mur en béton dans un tunnel de la localité de Sierre, en Suisse. Vingt-huit personnes, dont vingt-deux enfants, étaient décédées. Un mois et demi plus tard, la couverture médiatique de ce drame qui a secoué la Belgique continue de susciter le débat. Début avril, la famille d’une des victimes a d'ailleurs déposé plainte auprès du conseil néerlandophone du journalisme. Cette plainte déposée contre le traitement médiatique de l'accident, se fonde notamment sur des atteintes à la vie privée perpétrées par les médias. Principal point qui soulève le débat : la publication par les journaux de certaines photos, postées au préalable sur les réseaux sociaux

Pour comprendre comment les journalistes ont traité le sujet, le rôle joué par les réseaux sociaux dans le cadre de ce dramatique accident, ainsi que les problèmes déontologiques suscités, j'ai rencontré André Linard, secrétaire général du Conseil Francophone de Déontologie Journalistique, et Alexandre Delmer, journaliste pour le quotidien belge la Meuse, et envoyé spécial en Suisse à l'époque de l'accident.

Une couverture médiatique d'une rare ampleur

Le Soir Mag - 17 Avril
Le drame de Sierre a occupé la scène médiatique comme rarement un accident ne l'avait fait par le passé. Durant plus d'une semaine en Belgique, les médias ne parlaient que de cela, comme si la Terre s'était arrêtée de tourner, et que ce tragique accident d'autocar éclipsait le reste de l'actualité.

Pour André Linard, secrétaire général du Conseil Francophone de Déontologie Journalistique, difficile cependant de les blâmer. "Il n’est pratiquement pas possible de dire que les médias en ont fait trop ou pas assez, car il faudrait d’abord fixer la limite en volume à ne pas dépasser". De fait, cette limite n'existe pas, ce sont les rédactions, en interne qui décident des sujets à traiter. "Un média plus populaire et plus sensible aux faits divers va trouver plus important d’en parler longtemps qu’un média généraliste, qui va de son côté plus facilement passer à d’autres sujets. Ce sont des choix qui font partie de la politique rédactionnelle, et pour lesquels il n’y a pas de normes déontologiques précises." Précise André Linard

«Il y a un moment où l'étalage de l'émotion devient indécent, et où le deuil public confine à la nausée médiatique et à la récupération politicienne. Notre bonne conscience est en train de tourner au voyeurisme. » 
  Edouard Delruelle chroniqueur de la RTBF

Il faut savoir que pour ce drame, l'émotion suscitée par ce nombre d'enfants décédés était telle, que le public était demandeur d'une couverture maximale du sujet. André Linard a eu l'occasion de s'en rendre compte en effectuant des Tchats avec des lecteurs de journaux de presse écrite : "On y trouvait tout autant des critiques disant que les médias en ont trop fait, que des critiques disant qu’ils n’en avaient pas fait assez, étant donnée l’émotion et la douleur soulevées dans le pays. Pour ces personnes, dans de tels moments, les autres informations n’ont plus d’importance". Mais l'omniprésence de ce drame dans l'actualité a fait grincer certaines dents, en particulier à des journalistes, vous avez pu le remarquer en lisant la citation ci-dessus.

Les journalistes et les réseaux sociaux au cœur du débat
Pour comprendre comment les journaux ont traité ce drame, j'ai interrogé Alexandre Delmer, journaliste au quotidien belge La Meuse. Envoyé spécial en Suisse avec deux autres journalistes de sa rédaction, la mission était claire : "Nous sommes un quotidien axé sur les témoignages, donc on a essayé de recueillir des témoignages de gens qui ont vécu directement ou indirectement le drame." Du point de vue du travail de terrain en Suisse il n'y avait donc rien d'anormal. En revanche, comme l'explique le journaliste, "les réseaux sociaux ont permis un déballage d'images notamment. Les journalistes qui n’étaient pas sur place s’appuyaient sur les réseaux sociaux pour trouver des photos".


Crédit photo : Olivier Hoslet
C'est précisément là que se pose le problème déontologique de cet article. S'il s'agit de photos de l'accident, des secours ou encore des forces de police, trouvées sur les blogs ou les réseaux sociaux, la question ne se pose pas. Mais lorsque les journaux ont inondé leurs colonnes de photos de familles en pleurs en Suisse et durant les cérémonies d'hommages en Belgique, on peut s'interroger sur le respect de la vie privée de ces personnes. Tout comme on peut douter du caractère moral de la publication de la photo ci contre qui représente une des classes décimées par l'accident. Alexandre Delmer poursuit : "Dans toutes les rédactions belges, dont la notre, il y a eu des débats en interne pour savoir ce que l’on devait faire et ce que l’on ne devait pas faire. A l’heure des réseaux sociaux les internautes veulent tout voir et tout savoir, donc c’est vrai que c’est toujours difficile."

Critiquable sur le plan éthique, le choix des rédactions de publier certaines photos issues des réseaux sociaux, n'est pourtant pas une faute à proprement parler. Comme le précise justement le journaliste "ce qui est publié sur Twitter relève du domaine public".

Une famille de victimes dépose plainte contre les médias
Crédit photo : Reuters
Pour dénoncer le traitement médiatique de ce drame, et notamment une atteinte à la vie privée de la part de certains photographes et journalistes, la famille d'une des victimes a porté plainte début avril auprès du Conseil Néerlandophone du Journalisme. Si cette plainte a peu de chances d'aboutir, elle a au moins le mérite de soulever le problème des limites à franchir, ou non, à l'heure où le journalisme évolue avec les réseaux sociaux. Doit-on se montrer intrusif dans la vie privée des victimes du fait de la volonté du lectorat et de l'évolution technologique, ou doit-on respecter ses convictions déontologiques? Chacun est libre d'en juger. 

S'il refuse de commenter cette plainte, André Linard souligne qu'il y a eu certains excès. D'une part, on en parlait, "la publication de certains documents, notamment des photos", et d'autre part "la manière d’approcher les familles des victimes afin d’obtenir des interviews, des réactions". En somme, "la question se pose à la fois dans ce qui a été diffusé et publié, et dans la manière d’approcher les sources d’informations que constituent les familles des victimes", résume-t-il.

La question de l'évolution des pratiques de la profession à l'heure des réseaux sociaux est donc posée. Chaque journaliste bénéficie de sa conscience, même si le contenu publié par le média auquel il appartient n'incombe pas forcément de sa volonté. Nuls doutes que si un autre drame de cette ampleur se produit à nouveau dans les mois ou les années à venir, les réseaux sociaux qui sont vecteurs de l'instantanéité de l'information mais présentent certaines dérives, seront encore au cœur du débat.

DES ANNÉES POUR DES SECONDES : QUAND UN WEB - DOCUMENTAIRE PLONGE AU COEUR DE LA PRÉPARATION DES SPORTIFS FRANÇAIS

Depuis le 5 avril, le site Lequipe.fr propose un web-documentaire créé par la photographe Catherine Cabrol et le journaliste Rémy Fière. Il s'intitule Des années pour des secondes. L’objectif de cette création d'un nouveau genre : plonger les internautes au cœur de la préparation de 13 sportifs en lice pour représenter la France au Jeux Olympiques de Londres en Juillet prochain.



Ils sont 13 à s’être prêté au jeu : Gwladys Epangue (Taekwondo), Thomas Bouhail (Gymnastique), Maureen Nisima (Escrime) Tony Estanguet (Canoë) Lucie Décosse et Teddy Riner (Judo), Amélie Cazé (Pentathlon moderne), Nikola Karabatic (Handball), Alexis Vastine et Tony Yoka (Boxe), Myriam Soumaré, Mehdi Baala et Arnaud Assoumani (Athlétisme).

Face à Catherine Cabrol et Rémy Fière, ils ont accepté de faire découvrir au grand public comment se prépare physiquement, techniquement et mentalement une telle échéance que constituent les Jeux Olympiques. Plusieurs années de sacrifice, pour seulement quelques minutes de compétition.

Une première du genre
Pour réaliser ce défi, les auteurs ont conçu un web-documentaire. Pour rappel, ce que l’on appelle dans le jargon un « webdoc » est un documentaire dont la réalisation et la conception permettent une diffusion sur le web. Très en vogue, cet outil symbolise à la perfection la convergence des différents médias. On y retrouve tous les types de contenu du web : la vidéo, le son, l’image et le texte, ainsi que des outils au service à la fois de la narration et d'une certaine interactivité. Le tout avec un objectif simple : réaliser un reportage qui permet à l’internaute d’être autonome et acteur de sa consommation d’information.

« Des années pour dessecondes » incarne les codes standards du webdoc. Son ergonomie permet une navigation fluide et pratique : on peut aisément se déplacer, changer de reportage, de sportif, poser des questions, etc. Mais il n’en demeure pas moins une grande première du genre. Jamais une telle expérience invitant à participer et vivre de l’intérieur la préparation physique et technique de sportifs n’avait été tentée pour une diffusion sur le web. Un pari audacieux donc dans le domaine du journalisme sportif, mais réalisé de manière sobre et efficace.

Le web-documentaire : un nouveau média vecteur de proximité
Dans la vidéo d’introduction Catherine Cabrol précise : « Nous avons décidé de suivre ces femmes et ces hommes hors du commun pendant quelques mois, de manière très personnelle pour souligner la proximité, l’intimité, la répétition des gestes, ces tranches de vies si rarement partagées et qu’ils ont accepté de montrer.  Notre désir est alors devenu fort simple : vous faire participer à leur préparation, au cœur de l’entrainement, pour mieux ressentir l’effort, le temps passé, l’engagement, l’histoire de chacun, jusqu’à Londres en juillet prochain. » .

Pour accomplir ce désir, les deux journalistes ont décidé de construire tous les portraits de la même manière. Tout d'abord on retrouve le sportif dans les vestiaires, afin de "faire connaissance" avec son sport. La possibilité est alors donnée de poser trois questions : Pourquoi ce sport?, Que représente-t-il pour lui?, Quels sont ses objectifs olympiques? Puis on entre dans le vif du sujet.


L'exemple ci dessus est celui de Teddy Riner, immense favori pour remporter la médaille d'or en Judo dans la catégorie des plus de 100 kilos. Chaque partie comporte entre quatre et six reportages selon les sportifs, orientés vers un aspect particulier de la préparation physique et technique, mais pas seulement.

C'est sur ce point précisément que l'on retrouve l'aspect de proximité annoncé par Catherine Cabrol. Il existe d'innombrables reportages basés sur la préparation de sportifs à des grands évènements. Le pari de ce web-documentaire est d'aller encore plus loin que ces derniers en s'intéressant plus en profondeur aux treize sportifs :  leur personnalité et leur tempérament, leurs rituels de préparation, leurs objectifs, leur vision de leur sport, etc. Pour venir compléter la découverte de ces sportifs, les deux journalistes ont également mis sur pied la rubrique "Et après l'effort". Ainsi, les internautes qui ont regardé tous les sujets proposés dans les rubriques préparation et entrainement ont le droit à un petit bonus pour entrer encore davantage dans l'intimité des sportifs.

Proximité et intimité, tels sont en somme les maîtres mots de ce web-documentaire. 

Bande annonce du Web-Documentaire "Des années pour des secondes"

mercredi 11 avril 2012

PEARLTREES, LA NOUVELLE PERLE DES ACCROS DU WEB

Antoine Msika - Community Manager
Fondé en décembre 2009 par Patrice Lamothe, Pearltrees n’en finit pas de s’étendre sur le net. Réunissant au départ quelques centaines de geeks, cet outil de « curation », est désormais visité par plus d’un million d’internautes par mois, tandis que plus de 350 000 personnes contribuent à son enrichissement.

Pour comprendre le succès grandissant de Pearltrees, je me suis entretenu avec Antoine Msika. Diplômé de l’EDHEC Business School de Lille en 2009, il est depuis Juin 2010 le Community Manager français de Pearltrees.



« Cultiver ses intérêts »

Benjamin Valla/Horizons Médiatiques : Pouvez-vous me présenter Pearltrees et les principales fonctionnalités de cet outil ?
Antoine Msika : Pearltrees est un outil créé pour cultiver ses intérêts : concrètement il permet de collectionner, organiser et partager les contenus qu’on aime sur le web. En quelque sorte Pearltrees donne la possibilité de créer sa bibliothèque numérique. Pour cela, l’internaute sélectionne les liens trouvés au cours de sa navigation et les met dans son compte. Ces liens deviennent alors des perles qui peuvent être rangées, manipulées, organisées dans des dossiers qu’on appelle donc des « Pearltrees ». Cet outil convient parfaitement aux tablettes tactiles : si l’internaute a un ordinateur il manipule les perles avec sa souris, et s’il a un Ipad par exemple il peut vraiment littéralement manipuler et organiser le contenu du bout des doigts.

 L'un des Pearltrees les plus riches du moment, c'est bien sûr celui consacré à l’élection Présidentielle en France

« Un outil simple, social et collaboratif »

Quels sont les avantages de Pearltrees pour les utilisateurs du web ?
A.M : Premier avantage de taille : c’est très facile à comprendre et à utiliser pour n’importe qui. En un clic l’internaute peut sélectionner la page, puis la manipuler et l’organiser comme il le veut.
Ensuite, Pearltrees est un outil social et collaboratif : la bibliothèque numérique peut être faite en équipe. Par exemple si quelqu’un fait un Pearltrees sur son club de football préférée, il va mettre les nouveautés trouvées en lisant le site de L’Equipe, ajouter des vidéos trouvées sur Youtube, etc. S’il fait équipe avec un de ses amis, il va pouvoir aussi ajouter les contenus qu’il trouve. Cela leur permet de faire en temps réel une bibliothèque commune.
Enfin, comme c’est un outil social, il est très facile de trouver des contenus proches de ses propres intérêts. Pour reprendre l’exemple du football, on peut très rapidement retrouver des pages web organisées par d’autres utilisateurs sur le football en général ou sur une équipe précise.

« 1 million de visiteurs par mois, 350 000 contributeurs »

Combien de personnes utilisent Pearltrees et quel est leur profil ?
A.M : Il faut savoir qu’il y a un peu plus d’un million d’utilisateurs par mois qui viennent consulter des Pearltrees, réalisés par un peu plus de 350 000 contributeurs. Concernant leur profil, on trouve de tout : des gens qui veulent collectionner des recettes de cuisine, qui suivent l’actualité politique, web, médiatique. On retrouve aussi dans les contributeurs des blogueurs, des sites de médias comme Marianne 2 et l’Usine Nouvelle, ou encore des institutions comme l’IFRI (Institut des relations françaises internationales). Pearltrees leur permet non seulement de garder, d’avoir une trace des pages web, mais aussi de les partager facilement. On retrouve enfin tout type de collection : dernières innovations scientifiques, recettes de cuisine, etc.

De par ses fonctionnalités, peut-on dire que Pearltrees est un complément des réseaux sociaux ?
A.M : Nous sommes effectivement un complément des médias sociaux de manière général. Sur les réseaux sociaux on est dans l’instantanéité, dans le partage rapide de l’information. A côté de cela Pearltrees est un complément accessible très facilement qui permet de conserver, collectionner l’information trouvée sur les blogs, réseaux sociaux, ou n’importe quelle source d’information.

« Un plus pour l’organisation et le partage des sources du journaliste »

Quels sont les intérêts que Pearltrees offre aux journalistes?
A.M : Pearltrees a beaucoup d’avantages pour les journalistes. Cela permet d’abord d’organiser ses sources. Personnellement je blogue un peu donc quand je lis des articles sur des sujets sur lesquels j’ai envie d’écrire, j’organise dans un premier temps mes sources pour les retrouver facilement. Ensuite, je peux commencer à structurer mon article en procédant Pearltrees par Pearltrees suivant les thématiques que je vais aborder.

Pearltrees permet aussi de partager ses sources avec les lecteurs : par exemple un journaliste fait un dossier sur un sujet, il va écrire son article et intégrer son Pearltrees à la fin. De cette façon, les lecteurs peuvent directement tout en restant sur l’article aller lire des sources complémentaires organisées par le journaliste. Le site Mariane 2 le fait beaucoup.

Enfin Pearltrees peut permettre de suivre un dossier. Prenons l’exemple de l’affaire Clearstream, qui s’est étalée sur des années et devenait complexe à suivre. Le journaliste peut au fur et à mesure organiser ce qui se dit sur le sujet. Comme ça à chaque fois qu’il en parle dans un article il l'intègre dans son Pearltrees. Le lecteur peut ainsi retrouver en un coup d’œil et comprendre plus facilement la structure de l’affaire, ce qui s’est passé avant et les liens avec ce qu'il se passe maintenant.

Pearltrees concernant l'affaire Clearstream

« Sélectionner - Organiser - Partager » 

Pearltrees est un outil de « curation ». Quels sont les grands principes de cet anglicisme?
A.M : En anglais un « curator » c’est un conservateur de musée : c’est celui qui sélectionne les œuvres que le musée va exposer et qui prépare les expositions. L’idée de la curation, c’est de sélectionner du contenu parmi une masse, puis l'organiser afin de le présenter à quelqu’un. Typiquement dans un musée, le conservateur va choisir quelques œuvres sur une époque ou un artiste, l’organiser dans des salles et le présenter en racontant une histoire aux visiteurs. L’idée de Pearltrees c’est à peu près la même chose : permettre aux gens de sélectionner ce qui les intéresse sur un sujet, l'organiser, puis le partager avec d’autres personnes.

Pouvez-vous pour terminer me présenter votre mission de Community Manager ?
A.M : Ce qui fait que Pearltrees est Pearltrees c’est sa communauté, ce sont les personnes qui viennent organiser des liens, organiser leurs perles. Donc moi je m’occupe de cette communauté, je fais en sorte que tout se passe bien, je guide, oriente ceux qui en ont besoin. En plus de ça je m’occupe de la faire croitre. Je fais en sorte qu’il y ait toujours plus de gens qui viennent, qu’il y ait toujours plus de perles organisées afin que Pearltrees soit toujours davantage fourni et intéressant.

Merci beaucoup à Antoine Msika pour sa disponibilité !

lundi 2 avril 2012

PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE : LA BATAILLE DU WEB FAIT RAGE

A défaut d’offrir un débat de société constructif, les principaux candidats à la présidentielle française rivalisent d’imagination pour parvenir à contourner les règles d’égalité du temps de parole imposées par le CSA.  Leur refuge : le web et les nouveaux médias.

Depuis le 19 Mars, la campagne présidentielle a pris un nouveau tournant. Les télévisions et radios généralistes se sont vues imposer par le CSA la controversée règle de stricte égalité du temps de parole. Désormais toutes les interventions des dix candidats sont chronométrées et strictement contrôlées, afin que Nicolas Sarkozy par exemple ne soit pas plus audible et visible que Jacques Cheminade. Qu’à cela ne tienne, en plus des subterfuges des médias pour diffuser les petits candidats au milieu de la nuit, les équipes de campagne des cadors de l’élection se sont appropriées le web. Trop peu évolué en 2002, pas encore réellement mûr en 2007, celui-ci est désormais utilisé à son plein potentiel. L’objectif étant très clair : accroître encore davantage la visibilité des candidats.

On assiste alors à un véritable matraquage sur les réseaux sociaux et plus particulièrement sur les comptes Twitter des candidats. Durant chaque discours, intervention télévisée ou radiophonique, les équipes web tweetent chacune des phrases fortes énoncées par leur chef. De même elles retweetent un maximum de commentaires élogieux, mais également les tacles adressés aux rivaux par les internautes. Exemple ici avec l’intervention de Nicolas Sarkozy le 31 Mars sur la jeunesse.


« Web-radio » vs « Web-série »
Mais les réseaux sociaux sont loin d’être les seuls outils à disposition des équipes web des candidats. Ces derniers s’approprient désormais les nouveaux médias. C’est le cas notamment de « Radio Hollande », la première web-radio lancée par un candidat à l’élection présidentielle, mais aussi des Web-séries « Les Experts » proposée par des élus de l’UMP et « En Marche » concoctée par l’équipe de Jean-Luc Mélenchon.

La palme de l’innovation revient ainsi à l’équipe web de François Hollande qui a lancé le 26 mars dernier  « Radio Hollande » . Chaque jour de 18h à 19h30, la web-radio disponible sur le site de campagne du candidat socialiste décrypte un point précis du programme, revient sur la journée écoulée, et bien évidemment prend soin de tacler le bilan du président sortant. Animée par deux professionnels des médias, Pierre Lescure, ex-patron de Canal + et Fred Musa, animateur sur Skyrock, la radio offre également une libre antenne « Allo François ? » où chaque auditeur peut poser une question à laquelle une personnalité socialiste répond dans l’émission. La première invitée de Radio Hollande le 26 mars était Ségolène Royal. L'émission est à écouter ici.

L’équipe web de Nicolas Sarkozy a de son côté vu les choses en plus classique et surtout en moins grand qu’il y a 5 ans. Après avoir développé en 2007 NSTV, une Webtélé dotée de 11 chaines, elle a mis cette année sur pied un simple programme intitulé « Les Experts ». Dans le rôle d’Horatio Caine, on retrouve Valérie Rosso-Debord, Marc-Philippe Daubresse, et d’autres élus UMP. Le concept: « chaque jour un élu aborde un thème de campagne et communique autour des propositions de Nicolas Sarkozy » explique le FigaroCela se traduit alors par une courte vidéo d'environ deux minutes, durant laquelle l’élu se penche sur un thème comme par exemple le RSA ou la formation des chômeurs. Dans cette vidéo, la député Valérie Rosso-Debord s'exprime sur les retraites et l'épargne.


Alors que François Hollande mise sur l’aspect innovant et participatif de sa web-radio, la majorité actuelle a de son côté choisi un procédé plus classique, mais aussi plus pédagogique et idéal pour être diffusé sur les réseaux sociaux. Le classique, c’est également ce qu’a choisi l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélanchon. Avec « En Marche », elle réalise un film de campagne dont chaque épisode d'environ huit minutes est publié le lundi. Ce programme « raconte la mise en mouvement de millions de gens à l’occasion de cette campagne et dévoile la mécanique humaine à l’œuvre dans ses coulisses », selon les informations dévoilées sur le site de campagne du candidat du Front de Gauche. Ce programme constitue de très loin l’initiative qui fonctionne le mieux en terme d’audience : les deux épisodes consacrés à la marche vers la Bastille ont été vu environ 35 000 fois chacun sur la toile. Ci-dessous la partie 1 de ce rassemblement.


Une audience limitée
Si les initiatives fleurissent, elles peinent à trouver leur public. « Radio Hollande » n'a réunit que 1000 personnes pour la première, chaque épisode des« Experts » est regardé seulement par quelques centaines d’internautes. De même, en règle générale, l'attrait pour les sites de campagne reste assez faible.

Tous ces éléments contrecarrent l’idée que la campagne se joue sur Internet, et ce malgré l'activité importante sur les réseaux sociaux. Les nouveaux médias restent évidemment un moyen d’expression subsidiaire à la télévision, notamment en cette période d’égalité contrainte du temps de parole. Mais il n’en demeure pas moins que le petit écran reste la vitrine principale des candidats. Le manque d'implication des internautes dans les outils web mis en place reflète alors une chose : cette campagne peine à passionner les français.