vendredi 27 avril 2012

LES JOURNALISTES ET LES RESEAUX SOCIAUX MIS EN CAUSE APRES LE DRAME DE SIERRE

Crédit photo : Belga
Le 13 mars dernier un autocar transportant des enfants belges de retour de classe de neige, avait percuté un mur en béton dans un tunnel de la localité de Sierre, en Suisse. Vingt-huit personnes, dont vingt-deux enfants, étaient décédées. Un mois et demi plus tard, la couverture médiatique de ce drame qui a secoué la Belgique continue de susciter le débat. Début avril, la famille d’une des victimes a d'ailleurs déposé plainte auprès du conseil néerlandophone du journalisme. Cette plainte déposée contre le traitement médiatique de l'accident, se fonde notamment sur des atteintes à la vie privée perpétrées par les médias. Principal point qui soulève le débat : la publication par les journaux de certaines photos, postées au préalable sur les réseaux sociaux

Pour comprendre comment les journalistes ont traité le sujet, le rôle joué par les réseaux sociaux dans le cadre de ce dramatique accident, ainsi que les problèmes déontologiques suscités, j'ai rencontré André Linard, secrétaire général du Conseil Francophone de Déontologie Journalistique, et Alexandre Delmer, journaliste pour le quotidien belge la Meuse, et envoyé spécial en Suisse à l'époque de l'accident.

Une couverture médiatique d'une rare ampleur

Le Soir Mag - 17 Avril
Le drame de Sierre a occupé la scène médiatique comme rarement un accident ne l'avait fait par le passé. Durant plus d'une semaine en Belgique, les médias ne parlaient que de cela, comme si la Terre s'était arrêtée de tourner, et que ce tragique accident d'autocar éclipsait le reste de l'actualité.

Pour André Linard, secrétaire général du Conseil Francophone de Déontologie Journalistique, difficile cependant de les blâmer. "Il n’est pratiquement pas possible de dire que les médias en ont fait trop ou pas assez, car il faudrait d’abord fixer la limite en volume à ne pas dépasser". De fait, cette limite n'existe pas, ce sont les rédactions, en interne qui décident des sujets à traiter. "Un média plus populaire et plus sensible aux faits divers va trouver plus important d’en parler longtemps qu’un média généraliste, qui va de son côté plus facilement passer à d’autres sujets. Ce sont des choix qui font partie de la politique rédactionnelle, et pour lesquels il n’y a pas de normes déontologiques précises." Précise André Linard

«Il y a un moment où l'étalage de l'émotion devient indécent, et où le deuil public confine à la nausée médiatique et à la récupération politicienne. Notre bonne conscience est en train de tourner au voyeurisme. » 
  Edouard Delruelle chroniqueur de la RTBF

Il faut savoir que pour ce drame, l'émotion suscitée par ce nombre d'enfants décédés était telle, que le public était demandeur d'une couverture maximale du sujet. André Linard a eu l'occasion de s'en rendre compte en effectuant des Tchats avec des lecteurs de journaux de presse écrite : "On y trouvait tout autant des critiques disant que les médias en ont trop fait, que des critiques disant qu’ils n’en avaient pas fait assez, étant donnée l’émotion et la douleur soulevées dans le pays. Pour ces personnes, dans de tels moments, les autres informations n’ont plus d’importance". Mais l'omniprésence de ce drame dans l'actualité a fait grincer certaines dents, en particulier à des journalistes, vous avez pu le remarquer en lisant la citation ci-dessus.

Les journalistes et les réseaux sociaux au cœur du débat
Pour comprendre comment les journaux ont traité ce drame, j'ai interrogé Alexandre Delmer, journaliste au quotidien belge La Meuse. Envoyé spécial en Suisse avec deux autres journalistes de sa rédaction, la mission était claire : "Nous sommes un quotidien axé sur les témoignages, donc on a essayé de recueillir des témoignages de gens qui ont vécu directement ou indirectement le drame." Du point de vue du travail de terrain en Suisse il n'y avait donc rien d'anormal. En revanche, comme l'explique le journaliste, "les réseaux sociaux ont permis un déballage d'images notamment. Les journalistes qui n’étaient pas sur place s’appuyaient sur les réseaux sociaux pour trouver des photos".


Crédit photo : Olivier Hoslet
C'est précisément là que se pose le problème déontologique de cet article. S'il s'agit de photos de l'accident, des secours ou encore des forces de police, trouvées sur les blogs ou les réseaux sociaux, la question ne se pose pas. Mais lorsque les journaux ont inondé leurs colonnes de photos de familles en pleurs en Suisse et durant les cérémonies d'hommages en Belgique, on peut s'interroger sur le respect de la vie privée de ces personnes. Tout comme on peut douter du caractère moral de la publication de la photo ci contre qui représente une des classes décimées par l'accident. Alexandre Delmer poursuit : "Dans toutes les rédactions belges, dont la notre, il y a eu des débats en interne pour savoir ce que l’on devait faire et ce que l’on ne devait pas faire. A l’heure des réseaux sociaux les internautes veulent tout voir et tout savoir, donc c’est vrai que c’est toujours difficile."

Critiquable sur le plan éthique, le choix des rédactions de publier certaines photos issues des réseaux sociaux, n'est pourtant pas une faute à proprement parler. Comme le précise justement le journaliste "ce qui est publié sur Twitter relève du domaine public".

Une famille de victimes dépose plainte contre les médias
Crédit photo : Reuters
Pour dénoncer le traitement médiatique de ce drame, et notamment une atteinte à la vie privée de la part de certains photographes et journalistes, la famille d'une des victimes a porté plainte début avril auprès du Conseil Néerlandophone du Journalisme. Si cette plainte a peu de chances d'aboutir, elle a au moins le mérite de soulever le problème des limites à franchir, ou non, à l'heure où le journalisme évolue avec les réseaux sociaux. Doit-on se montrer intrusif dans la vie privée des victimes du fait de la volonté du lectorat et de l'évolution technologique, ou doit-on respecter ses convictions déontologiques? Chacun est libre d'en juger. 

S'il refuse de commenter cette plainte, André Linard souligne qu'il y a eu certains excès. D'une part, on en parlait, "la publication de certains documents, notamment des photos", et d'autre part "la manière d’approcher les familles des victimes afin d’obtenir des interviews, des réactions". En somme, "la question se pose à la fois dans ce qui a été diffusé et publié, et dans la manière d’approcher les sources d’informations que constituent les familles des victimes", résume-t-il.

La question de l'évolution des pratiques de la profession à l'heure des réseaux sociaux est donc posée. Chaque journaliste bénéficie de sa conscience, même si le contenu publié par le média auquel il appartient n'incombe pas forcément de sa volonté. Nuls doutes que si un autre drame de cette ampleur se produit à nouveau dans les mois ou les années à venir, les réseaux sociaux qui sont vecteurs de l'instantanéité de l'information mais présentent certaines dérives, seront encore au cœur du débat.

DES ANNÉES POUR DES SECONDES : QUAND UN WEB - DOCUMENTAIRE PLONGE AU COEUR DE LA PRÉPARATION DES SPORTIFS FRANÇAIS

Depuis le 5 avril, le site Lequipe.fr propose un web-documentaire créé par la photographe Catherine Cabrol et le journaliste Rémy Fière. Il s'intitule Des années pour des secondes. L’objectif de cette création d'un nouveau genre : plonger les internautes au cœur de la préparation de 13 sportifs en lice pour représenter la France au Jeux Olympiques de Londres en Juillet prochain.



Ils sont 13 à s’être prêté au jeu : Gwladys Epangue (Taekwondo), Thomas Bouhail (Gymnastique), Maureen Nisima (Escrime) Tony Estanguet (Canoë) Lucie Décosse et Teddy Riner (Judo), Amélie Cazé (Pentathlon moderne), Nikola Karabatic (Handball), Alexis Vastine et Tony Yoka (Boxe), Myriam Soumaré, Mehdi Baala et Arnaud Assoumani (Athlétisme).

Face à Catherine Cabrol et Rémy Fière, ils ont accepté de faire découvrir au grand public comment se prépare physiquement, techniquement et mentalement une telle échéance que constituent les Jeux Olympiques. Plusieurs années de sacrifice, pour seulement quelques minutes de compétition.

Une première du genre
Pour réaliser ce défi, les auteurs ont conçu un web-documentaire. Pour rappel, ce que l’on appelle dans le jargon un « webdoc » est un documentaire dont la réalisation et la conception permettent une diffusion sur le web. Très en vogue, cet outil symbolise à la perfection la convergence des différents médias. On y retrouve tous les types de contenu du web : la vidéo, le son, l’image et le texte, ainsi que des outils au service à la fois de la narration et d'une certaine interactivité. Le tout avec un objectif simple : réaliser un reportage qui permet à l’internaute d’être autonome et acteur de sa consommation d’information.

« Des années pour dessecondes » incarne les codes standards du webdoc. Son ergonomie permet une navigation fluide et pratique : on peut aisément se déplacer, changer de reportage, de sportif, poser des questions, etc. Mais il n’en demeure pas moins une grande première du genre. Jamais une telle expérience invitant à participer et vivre de l’intérieur la préparation physique et technique de sportifs n’avait été tentée pour une diffusion sur le web. Un pari audacieux donc dans le domaine du journalisme sportif, mais réalisé de manière sobre et efficace.

Le web-documentaire : un nouveau média vecteur de proximité
Dans la vidéo d’introduction Catherine Cabrol précise : « Nous avons décidé de suivre ces femmes et ces hommes hors du commun pendant quelques mois, de manière très personnelle pour souligner la proximité, l’intimité, la répétition des gestes, ces tranches de vies si rarement partagées et qu’ils ont accepté de montrer.  Notre désir est alors devenu fort simple : vous faire participer à leur préparation, au cœur de l’entrainement, pour mieux ressentir l’effort, le temps passé, l’engagement, l’histoire de chacun, jusqu’à Londres en juillet prochain. » .

Pour accomplir ce désir, les deux journalistes ont décidé de construire tous les portraits de la même manière. Tout d'abord on retrouve le sportif dans les vestiaires, afin de "faire connaissance" avec son sport. La possibilité est alors donnée de poser trois questions : Pourquoi ce sport?, Que représente-t-il pour lui?, Quels sont ses objectifs olympiques? Puis on entre dans le vif du sujet.


L'exemple ci dessus est celui de Teddy Riner, immense favori pour remporter la médaille d'or en Judo dans la catégorie des plus de 100 kilos. Chaque partie comporte entre quatre et six reportages selon les sportifs, orientés vers un aspect particulier de la préparation physique et technique, mais pas seulement.

C'est sur ce point précisément que l'on retrouve l'aspect de proximité annoncé par Catherine Cabrol. Il existe d'innombrables reportages basés sur la préparation de sportifs à des grands évènements. Le pari de ce web-documentaire est d'aller encore plus loin que ces derniers en s'intéressant plus en profondeur aux treize sportifs :  leur personnalité et leur tempérament, leurs rituels de préparation, leurs objectifs, leur vision de leur sport, etc. Pour venir compléter la découverte de ces sportifs, les deux journalistes ont également mis sur pied la rubrique "Et après l'effort". Ainsi, les internautes qui ont regardé tous les sujets proposés dans les rubriques préparation et entrainement ont le droit à un petit bonus pour entrer encore davantage dans l'intimité des sportifs.

Proximité et intimité, tels sont en somme les maîtres mots de ce web-documentaire. 

Bande annonce du Web-Documentaire "Des années pour des secondes"

mercredi 11 avril 2012

PEARLTREES, LA NOUVELLE PERLE DES ACCROS DU WEB

Antoine Msika - Community Manager
Fondé en décembre 2009 par Patrice Lamothe, Pearltrees n’en finit pas de s’étendre sur le net. Réunissant au départ quelques centaines de geeks, cet outil de « curation », est désormais visité par plus d’un million d’internautes par mois, tandis que plus de 350 000 personnes contribuent à son enrichissement.

Pour comprendre le succès grandissant de Pearltrees, je me suis entretenu avec Antoine Msika. Diplômé de l’EDHEC Business School de Lille en 2009, il est depuis Juin 2010 le Community Manager français de Pearltrees.



« Cultiver ses intérêts »

Benjamin Valla/Horizons Médiatiques : Pouvez-vous me présenter Pearltrees et les principales fonctionnalités de cet outil ?
Antoine Msika : Pearltrees est un outil créé pour cultiver ses intérêts : concrètement il permet de collectionner, organiser et partager les contenus qu’on aime sur le web. En quelque sorte Pearltrees donne la possibilité de créer sa bibliothèque numérique. Pour cela, l’internaute sélectionne les liens trouvés au cours de sa navigation et les met dans son compte. Ces liens deviennent alors des perles qui peuvent être rangées, manipulées, organisées dans des dossiers qu’on appelle donc des « Pearltrees ». Cet outil convient parfaitement aux tablettes tactiles : si l’internaute a un ordinateur il manipule les perles avec sa souris, et s’il a un Ipad par exemple il peut vraiment littéralement manipuler et organiser le contenu du bout des doigts.

 L'un des Pearltrees les plus riches du moment, c'est bien sûr celui consacré à l’élection Présidentielle en France

« Un outil simple, social et collaboratif »

Quels sont les avantages de Pearltrees pour les utilisateurs du web ?
A.M : Premier avantage de taille : c’est très facile à comprendre et à utiliser pour n’importe qui. En un clic l’internaute peut sélectionner la page, puis la manipuler et l’organiser comme il le veut.
Ensuite, Pearltrees est un outil social et collaboratif : la bibliothèque numérique peut être faite en équipe. Par exemple si quelqu’un fait un Pearltrees sur son club de football préférée, il va mettre les nouveautés trouvées en lisant le site de L’Equipe, ajouter des vidéos trouvées sur Youtube, etc. S’il fait équipe avec un de ses amis, il va pouvoir aussi ajouter les contenus qu’il trouve. Cela leur permet de faire en temps réel une bibliothèque commune.
Enfin, comme c’est un outil social, il est très facile de trouver des contenus proches de ses propres intérêts. Pour reprendre l’exemple du football, on peut très rapidement retrouver des pages web organisées par d’autres utilisateurs sur le football en général ou sur une équipe précise.

« 1 million de visiteurs par mois, 350 000 contributeurs »

Combien de personnes utilisent Pearltrees et quel est leur profil ?
A.M : Il faut savoir qu’il y a un peu plus d’un million d’utilisateurs par mois qui viennent consulter des Pearltrees, réalisés par un peu plus de 350 000 contributeurs. Concernant leur profil, on trouve de tout : des gens qui veulent collectionner des recettes de cuisine, qui suivent l’actualité politique, web, médiatique. On retrouve aussi dans les contributeurs des blogueurs, des sites de médias comme Marianne 2 et l’Usine Nouvelle, ou encore des institutions comme l’IFRI (Institut des relations françaises internationales). Pearltrees leur permet non seulement de garder, d’avoir une trace des pages web, mais aussi de les partager facilement. On retrouve enfin tout type de collection : dernières innovations scientifiques, recettes de cuisine, etc.

De par ses fonctionnalités, peut-on dire que Pearltrees est un complément des réseaux sociaux ?
A.M : Nous sommes effectivement un complément des médias sociaux de manière général. Sur les réseaux sociaux on est dans l’instantanéité, dans le partage rapide de l’information. A côté de cela Pearltrees est un complément accessible très facilement qui permet de conserver, collectionner l’information trouvée sur les blogs, réseaux sociaux, ou n’importe quelle source d’information.

« Un plus pour l’organisation et le partage des sources du journaliste »

Quels sont les intérêts que Pearltrees offre aux journalistes?
A.M : Pearltrees a beaucoup d’avantages pour les journalistes. Cela permet d’abord d’organiser ses sources. Personnellement je blogue un peu donc quand je lis des articles sur des sujets sur lesquels j’ai envie d’écrire, j’organise dans un premier temps mes sources pour les retrouver facilement. Ensuite, je peux commencer à structurer mon article en procédant Pearltrees par Pearltrees suivant les thématiques que je vais aborder.

Pearltrees permet aussi de partager ses sources avec les lecteurs : par exemple un journaliste fait un dossier sur un sujet, il va écrire son article et intégrer son Pearltrees à la fin. De cette façon, les lecteurs peuvent directement tout en restant sur l’article aller lire des sources complémentaires organisées par le journaliste. Le site Mariane 2 le fait beaucoup.

Enfin Pearltrees peut permettre de suivre un dossier. Prenons l’exemple de l’affaire Clearstream, qui s’est étalée sur des années et devenait complexe à suivre. Le journaliste peut au fur et à mesure organiser ce qui se dit sur le sujet. Comme ça à chaque fois qu’il en parle dans un article il l'intègre dans son Pearltrees. Le lecteur peut ainsi retrouver en un coup d’œil et comprendre plus facilement la structure de l’affaire, ce qui s’est passé avant et les liens avec ce qu'il se passe maintenant.

Pearltrees concernant l'affaire Clearstream

« Sélectionner - Organiser - Partager » 

Pearltrees est un outil de « curation ». Quels sont les grands principes de cet anglicisme?
A.M : En anglais un « curator » c’est un conservateur de musée : c’est celui qui sélectionne les œuvres que le musée va exposer et qui prépare les expositions. L’idée de la curation, c’est de sélectionner du contenu parmi une masse, puis l'organiser afin de le présenter à quelqu’un. Typiquement dans un musée, le conservateur va choisir quelques œuvres sur une époque ou un artiste, l’organiser dans des salles et le présenter en racontant une histoire aux visiteurs. L’idée de Pearltrees c’est à peu près la même chose : permettre aux gens de sélectionner ce qui les intéresse sur un sujet, l'organiser, puis le partager avec d’autres personnes.

Pouvez-vous pour terminer me présenter votre mission de Community Manager ?
A.M : Ce qui fait que Pearltrees est Pearltrees c’est sa communauté, ce sont les personnes qui viennent organiser des liens, organiser leurs perles. Donc moi je m’occupe de cette communauté, je fais en sorte que tout se passe bien, je guide, oriente ceux qui en ont besoin. En plus de ça je m’occupe de la faire croitre. Je fais en sorte qu’il y ait toujours plus de gens qui viennent, qu’il y ait toujours plus de perles organisées afin que Pearltrees soit toujours davantage fourni et intéressant.

Merci beaucoup à Antoine Msika pour sa disponibilité !

lundi 2 avril 2012

PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE : LA BATAILLE DU WEB FAIT RAGE

A défaut d’offrir un débat de société constructif, les principaux candidats à la présidentielle française rivalisent d’imagination pour parvenir à contourner les règles d’égalité du temps de parole imposées par le CSA.  Leur refuge : le web et les nouveaux médias.

Depuis le 19 Mars, la campagne présidentielle a pris un nouveau tournant. Les télévisions et radios généralistes se sont vues imposer par le CSA la controversée règle de stricte égalité du temps de parole. Désormais toutes les interventions des dix candidats sont chronométrées et strictement contrôlées, afin que Nicolas Sarkozy par exemple ne soit pas plus audible et visible que Jacques Cheminade. Qu’à cela ne tienne, en plus des subterfuges des médias pour diffuser les petits candidats au milieu de la nuit, les équipes de campagne des cadors de l’élection se sont appropriées le web. Trop peu évolué en 2002, pas encore réellement mûr en 2007, celui-ci est désormais utilisé à son plein potentiel. L’objectif étant très clair : accroître encore davantage la visibilité des candidats.

On assiste alors à un véritable matraquage sur les réseaux sociaux et plus particulièrement sur les comptes Twitter des candidats. Durant chaque discours, intervention télévisée ou radiophonique, les équipes web tweetent chacune des phrases fortes énoncées par leur chef. De même elles retweetent un maximum de commentaires élogieux, mais également les tacles adressés aux rivaux par les internautes. Exemple ici avec l’intervention de Nicolas Sarkozy le 31 Mars sur la jeunesse.


« Web-radio » vs « Web-série »
Mais les réseaux sociaux sont loin d’être les seuls outils à disposition des équipes web des candidats. Ces derniers s’approprient désormais les nouveaux médias. C’est le cas notamment de « Radio Hollande », la première web-radio lancée par un candidat à l’élection présidentielle, mais aussi des Web-séries « Les Experts » proposée par des élus de l’UMP et « En Marche » concoctée par l’équipe de Jean-Luc Mélenchon.

La palme de l’innovation revient ainsi à l’équipe web de François Hollande qui a lancé le 26 mars dernier  « Radio Hollande » . Chaque jour de 18h à 19h30, la web-radio disponible sur le site de campagne du candidat socialiste décrypte un point précis du programme, revient sur la journée écoulée, et bien évidemment prend soin de tacler le bilan du président sortant. Animée par deux professionnels des médias, Pierre Lescure, ex-patron de Canal + et Fred Musa, animateur sur Skyrock, la radio offre également une libre antenne « Allo François ? » où chaque auditeur peut poser une question à laquelle une personnalité socialiste répond dans l’émission. La première invitée de Radio Hollande le 26 mars était Ségolène Royal. L'émission est à écouter ici.

L’équipe web de Nicolas Sarkozy a de son côté vu les choses en plus classique et surtout en moins grand qu’il y a 5 ans. Après avoir développé en 2007 NSTV, une Webtélé dotée de 11 chaines, elle a mis cette année sur pied un simple programme intitulé « Les Experts ». Dans le rôle d’Horatio Caine, on retrouve Valérie Rosso-Debord, Marc-Philippe Daubresse, et d’autres élus UMP. Le concept: « chaque jour un élu aborde un thème de campagne et communique autour des propositions de Nicolas Sarkozy » explique le FigaroCela se traduit alors par une courte vidéo d'environ deux minutes, durant laquelle l’élu se penche sur un thème comme par exemple le RSA ou la formation des chômeurs. Dans cette vidéo, la député Valérie Rosso-Debord s'exprime sur les retraites et l'épargne.


Alors que François Hollande mise sur l’aspect innovant et participatif de sa web-radio, la majorité actuelle a de son côté choisi un procédé plus classique, mais aussi plus pédagogique et idéal pour être diffusé sur les réseaux sociaux. Le classique, c’est également ce qu’a choisi l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélanchon. Avec « En Marche », elle réalise un film de campagne dont chaque épisode d'environ huit minutes est publié le lundi. Ce programme « raconte la mise en mouvement de millions de gens à l’occasion de cette campagne et dévoile la mécanique humaine à l’œuvre dans ses coulisses », selon les informations dévoilées sur le site de campagne du candidat du Front de Gauche. Ce programme constitue de très loin l’initiative qui fonctionne le mieux en terme d’audience : les deux épisodes consacrés à la marche vers la Bastille ont été vu environ 35 000 fois chacun sur la toile. Ci-dessous la partie 1 de ce rassemblement.


Une audience limitée
Si les initiatives fleurissent, elles peinent à trouver leur public. « Radio Hollande » n'a réunit que 1000 personnes pour la première, chaque épisode des« Experts » est regardé seulement par quelques centaines d’internautes. De même, en règle générale, l'attrait pour les sites de campagne reste assez faible.

Tous ces éléments contrecarrent l’idée que la campagne se joue sur Internet, et ce malgré l'activité importante sur les réseaux sociaux. Les nouveaux médias restent évidemment un moyen d’expression subsidiaire à la télévision, notamment en cette période d’égalité contrainte du temps de parole. Mais il n’en demeure pas moins que le petit écran reste la vitrine principale des candidats. Le manque d'implication des internautes dans les outils web mis en place reflète alors une chose : cette campagne peine à passionner les français.

lundi 26 mars 2012

LES APPLICATIONS MOBILES TOUJOURS PLUS CONSULTÉES

La conclusion de l’étude publiée jeudi 22 mars par l’agence ComScore est sans appel : fin 2012, les applications sur iPhone, iPad, Android et Windows Phone pourraient avoir dépassé les sites d’actualité sur Internet en Europe. Anecdotique jusqu’à peu, la consultation des applications et des sites d'information devient de plus en plus systématique pour les utilisateurs de Smartphone.
 
Mercredi 21 mars : journée record à tous points de vue
Ce 21 mars la télévision française s’est plus que jamais rapprochée de la télévision américaine avec ses Breaking-News et ses flashes spéciaux. En conséquence à cette actualité dramatique reprise en masse par les médias, BFM TV a battu tous ses records d’audience : avec 8,7% de part d’audience sur la journée, la chaine d’information en continue est devenue ce jour la cinquième chaine française derrière TF1, France 2, France 3 et M6.

Un autre fait assez exceptionnel est à retenir de cette journée : les grandes applications sur Smartphones ont toutes enregistré des records absolus de consultation. Par exemple, le Figaro a multiplié par trois ses visiteurs sur les applications mobiles. Pour le Monde, le nombre de ces consultations a dépassé celui du site Internet. L’explication est somme toute assez simple à trouver : dans une actualité brulante comme celle-ci les moyens qui permettent d’accéder instantanément à l’information la plus récente sont privilégiés. Dans ce cas précis, les applications mobiles bénéficient alors d’une haute valeur ajoutée pour les utilisateurs.

Plus qu’un épiphénomène, une grande tendance
On pourrait croire que ce phénomène s’explique uniquement par l’aspect dramatique et brulant du sujet. On ne peut le nier, la France a vécu au rythme de l’évolution de cette affaire ces derniers jours, mais cette tendance à la consultation croissante d’applications mobiles date de bien avant la semaine dernière. Depuis leur entrée sur le marché, celles-ci ont su trouver leur public, à tel point que certains prédisent même que leur consultation pourrait avoir dépassé celle des sites internet d’ici la fin de l’année 2012

L’institut ComScore fait parti de ces prophètes.


L’institut de recherche en marketing et Internet a publié jeudi 22 mars les résultats d’une étude menée entre janvier 2011 et janvier 2012. En moyenne durant l'année 2011, près de 37% des utilisateurs de Smartphones dans les cinq grands pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni) ont accédé au moins une fois par mois à des sites d’actualité via une application ou un navigateur Web sur leur mobile. Cela constitue une hausse de 74% par rapport à l'année 2010.

Les anglais propriétaires de Smartphones sont les plus gros consommateurs de ces applications : ils sont près de 47% à s'en référer au moins une fois par mois pour s'informer, et plus de 15% au moins une fois par jour. L’explication est assez simple : en Angleterre, les initiatives des journaux se sont multipliées dernièrement. Comment ne pas citer l’exemple du Guardian, qui se veut être le pionnier de l’innovation et du journalisme participatif dans ce pays. Force est de constater que les nouveaux outils proposés par le journal trouvent leur public. Dans le reste de l’Europe, l’utilisation quotidienne est plus homogène et tourne autour de 10 à 11%.


L'accélération de ce phénomène depuis 2010 est assez fulgurante. Dans l’Europe des 5, en un an, le nombre d’utilisateurs de Smartphones accédant aux sites d’actualité quasiment quotidiennement a augmenté de 82%. La « palme » revient à l’Espagne qui certes partait de plus loin : la croissance atteint 160% pour un accès quasi quotidien dans ce pays.

De plus en plus accros
En France, 14 millions de Smartphones ont été vendu l’an passé, ce qui a logiquement bousculé les pratiques d’information de leurs possesseurs. Pour Blandine Silverman, directrice mobile de ComScore « l’adoption accrue des Smartphones en Europe a contribué à la consommation d’actualités et informations à la volée. Les mobinautes veulent savoir ce qui se passe autour d’eux en temps réel, ce que leur permet leur Smartphone ».

L'étude traduit ainsi une double évolution concernant l'utilisation des applications mobiles : un nombre croissant de personnes y ont recours, et surtout ces personnes y accèdent sur une fréquence et une durée plus longue. La dépendance accrue des possesseurs de Smartphones vis-à-vis de l’information sur leur mobile est incontestable. Face à cela, les fabricants de téléphone, et bien évidemment les entreprises de presse ont une immense carte à jouer. Il s’agit pour les premiers de construire des Smartphones qui permettent de par leurs fonctionnalités et la taille de l’écran notamment une utilisation et une lecture plus aisée. Pour les seconds, ces nouvelles tendances constituent selon Blandine Silverman une « opportunité d’élargir leurs audiences tout en les défiant sur des moyens plus efficaces de délivrer leur contenu sur petit écran ».

Le temps des initiatives innovantes n'en est qu'à son commencement...

dimanche 18 mars 2012

#OLD, LA NOUVELLE ARME DES "TWITTOS"

Avec l’accélération du temps réel de l’information, un petit nouveau est arrivé sur Twitter, le hashtag #old. Celui-ci constitue une sorte de nom de code permettant de signaler qu'une information tweetée a évolué, voire périmé. Il peut alors servir à un "twitto", c'est à dire un utilisateur de Twitter lambda, d’indiquer et d'assumer que le lien qu’il s’apprête à publier n'est pas récent. Mais surtout il est une arme terrible pour tout journaliste souhaitant railler un collègue qui aurait fait preuve de laxisme en relayant une information déjà présente sur la toile depuis plusieurs heures. Pour éviter ce genre de situation, un outil a été créé par deux suédois : "Is it old?".

Tweeter c’est bien, le faire dans le bon tempo c’est mieux.
Dans un monde où l’information se fait en temps réel, il n’y a désormais plus de place pour les journalistes qui ne font pas preuve de réactivité. Le métier a évolué en ce sens : l’information brute doit être délivrée en temps réel pour avoir un maximum de valeur ajoutée. L’actualité analysée et décryptée dispose quant à elle d’un laps de temps supplémentaire pour être transmise. Emmanuelle Defaud, chef des informations à France TV Info résume : «Il y a une question d’adéquation entre le moment où tu donnes l’information et la qualité de l’information (…) Dans le temps T, tu peux donner une information qui vient de sortir, en restant sur des faits bruts. 24h ou 48h plus tard, (...) tu ne peux pas donner juste le fait, tu dois le décrypter.» 

Twitter a évidemment intégré cette évolution du métier induite par les nouvelles technologies. Lorsqu’un évènement brulant se produit, le journaliste ou le twitto qui se veut au plus près de l’information doit faire preuve du maximum de réactivité possible, et bien sûr il doit s’assurer avant de publier un tweet que les faits n’ont pas évolué à nouveau. Des évènements où la situation évolue très vite, comme la mort du colonel Kadhafi en octobre dernier ou encore le dramatique accident de car en Suisse cette semaine, sont des exemples frappants : le fait en lui-même a un intérêt à être tweeté lorsque l’information vient de tomber. Par la suite, c’est l'évolution et l'analyse de la situation qui comptent. De même que dans le cadre du « live-tweet » d’une rencontre sportive, il n’y a strictement aucun intérêt à signaler un but une demi-heure après que celui-ci ait été inscrit. 

Le timing et la réactivité revêtent donc une importance capitale dans la profession de journaliste aujourd’hui, et d’autant plus sur Twitter. Pour interpeller, voire moquer ceux qui feraient preuve de laxisme, les professionnels ou les twittos lambda ont une nouvelle arme terrible. Celle-ci prend la forme d’un hashtag : #old. Comme expliqué précédemment, il permet également de signaler et d'assumer que ce que l’on s’apprête à tweetter n’est pas de l’actualité fraîche. 

#old peut permettre de revenir sur un évènement passé...
... ou signaler qu'un article récent reprend une étude plus ancienne
Le sens de ce hashtag est très simple, dans ce contexte où le journalisme numérique prend le dessus et où l'actualité se fait en temps réel, les journalistes doivent dévoiler la bonne information au bon moment. 

Is it old: l’outil pour éviter d’être "has-been"

C’est dans ce contexte d’immédiateté de l’information et de prédominance croissante de Twitter que deux créateurs numériques suédois, Oskar Sundberg et Per Hansson, ont mis en place un outil bien pratique : « Is it old ? ». Sous ce nom se cache une application à laquelle tout twitto novice ou manquant de confiance dans ses tweets et la fraîcheur de l’information qu’il s’apprête à diffuser, peut se référer.

Le fonctionnement est très simple : il suffit simplement d’entrer dans la barre d’adresse de l’application le lien que l’on s’apprète à diffuser sur Twitter. L’application va alors préciser si l’information est dépassée ou non en se référant à la date et l’heure de parution de l’article, et au nombre de fois où l’article a été tweeté.

Par exemple, j’évoquais tout à l’heure le tragique accident de car dans un tunnel en Suisse, où 28 belges donc 22 enfants ont été tués. Cette actualité a secoué la Belgique et fait la une des journaux. L’accident a eu lieu à 21h15 mardi soir, il a été relayé dans le courant de la nuit de mardi à mercredi, avant que toute la toile s’empare de l’information. Jeudi soir, j’ai donc fait le test sur le site « Is it old ? » de deux liens provenant du site internet du premier journal belge, Le Soir :  

Le premier lien reprend les faits de l’accident et les évolutions au cours de la journée de mercredi : premiers élements de l’enquête, réactions officielles, etc. Tweeté plus de 40 fois et datant de plus de 24 heures, le lien est considéré comme « old ».


Par contre, le second lien présente un élément qui permet de montrer que des accidents avaient déjà eu lieu dans le tunnel suisse par le passé. Le lien étant récent et n’ayant toujours pas été tweeté, le site m’informe que je suis un "pionnier d’Internet".


En fait, si cet outil est novateur, il ne remplacera jamais les qualités intrinsèques d’un bon journaliste aujourd'hui, qui se doit d’être réactif face à l’actualité pour asseoir sa crédibilité et sa valeur ajoutée. 

dimanche 11 mars 2012

INTERNET : LE PLUS GRAND TERRAIN DE SPORT

Il fallait bien que cela arrive un jour. En 2011 Internet a supplanté la télévision… sur l’information sportive. Une étude menée par l’agence de publicité Havas Sports & Entertainment montre en effet qu’Internet est devenu la source principale d'information dans ce domaine pour les européens de 18-35 ans. La multiplication des sites d’information sportive et les réseaux sociaux donnent désormais la possibilité aux internautes de vivre le sport "en  communauté". Focus sur ces nouvelles pratiques sportives.

C’est une première. Internet a devancé en 2011 la télévision comme principale source d'information sportive chez les européens de 18 à 35 ans. C'est l'agence Havas Sport, via une enquête dirigée dans le cadre du Global Sports Forum (GSF) de Barcelone, qui a mis en évidence ce bouleversement de hiérarchie. Cette étude qui se penche sur les comportements médiatiques des amateurs de sport montre que les 18-35 ans sont 36,1% à privilégier la toile comme support d'information, contre 32,1% pour la télévision.

Un lieu d’échanges
Eurosport lieu d'échanges entre passionnés 
Internet présente deux intérêts principaux pour l'information sportive : il permet à l’internaute de pouvoir accéder à tout moment à l’actualité du sport, du club ou du sportif qu’il suit. Mais il constitue aussi et surtout un lieu d’échanges. Les passionnés de sport étant très enclin à discuter et partager leurs analyses, l’ascendant pris par Internet dans la consultation d’information sportive relève ainsi de la logique. La télévision reste le média roi pour regarder le sport, puisqu'elle constitue le support privilégié de 94,3% des sondés durant les rencontres sportives. Dans ce cadre, Internet est utilisé soit à des fins de substitution lorsque ces rencontres sont retransmises par une chaine payante, soit comme un support complémentaire.

Twitter et le sport : un couple qui marche
Par complémentaire, on met ici en avant l’aspect communautaire d’Internet. Les sites d’information sportive comme Eurosport, mais aussi les réseaux sociaux permettent aux passionnés de sport d’interagir. Pour les premiers cités, la plupart des articles et des « live-textes » sont dotés d’outils de réaction et de discussion, même si les commentaires ne sont pas toujours extrêmement constructifs. Pour les réseaux sociaux, Twitter de par ses fonctionnalités notamment le fameux #hashtag est devenu un lieu privilégié d’échanges sur les évènements en direct, qu’ils soient sportifs ou non. Les jours de matchs sont alors l’occasion de voir se côtoyer les analyses et commentaires de journalistes sportifs, blogueurs et autres passionnés, comme par exemple ici, avec la #L1.

#L1 sur Twitter
« La consommation de sport sur Internet ne cannibalise pas celle du petit écran »
Pour Lucien Boyer, PDG de Havas Sports et organisateur du GSF «La consommation “en live” est de plus en plus complétée par une consommation “partage” autour de l'événement sportif ». Les possibilités d’instantanéité et d’échange offertes par Internet ne vont donc pas à l’encontre de la Télévision. On l’a dit, 94,3% des sondés privilégient le petit écran pour regarder les rencontres sportives retransmises en direct. Lucien Boyer précise : «La consommation de sport sur Internet s'additionne à celle sur le petit écran, elle ne la cannibalise pas. Les gens tweetent pendant qu'ils regardent (...). On a une diversité de sujets, partagés sur plusieurs écrans.»

Les résultats détaillés de l'étude sont accessibles ici.

mardi 6 mars 2012

PETIT PRÉCIS D’ÉCRITURE JOURNALISTIQUE À L'HEURE DES MOTEURS DE RECHERCHE

50 à 70% des articles en ligne sont consultés à la suite d'une recherche sur les moteurs. Forts de ce constat, les médias en ligne utilisent les techniques dites de SEO (Search Engine Optimization - Optimisation pour les Moteurs de Recherche) censées apporter un maximum d'informations aux robots d’indexation de ces moteurs. L'objectif est simple : assurer une meilleure visibilité des productions des journalistes. 

Être journaliste sur le web est décidément un métier bien à part. Terminé le temps où l'on cherchait le jeu de mot le plus clinquant afin d’attirer l’attention du lecteur. Désormais, avec la prédominance de la recherche sur le web, il faut faire en sorte d'être facilement visible par les moteurs de recherche. En conséquence, pour les journalistes web, tout est une question de mots clés : il s'agit de trouver et placer dans le titre, mais aussi de manière récurrente dans l’article, les termes qui permettront le référencement par les robots des moteurs de recherche. La finalité est double : permettre aux moteurs de faire remonter l'article au lecteur, mais aussi correspondre aux recherches des internautes. 

L’impact des mots
Les journalistes aiment le challenge qui consiste à trouver le titre le plus imagé, pour ne pas dire le plus racoleur. Mauvais calcul : ce n’est plus l’aspect recherché ou humoristique d’un titre qui fait la différence sur le net. C’est désormais le fait de coller un maximum avec les recherches de l'audience et d'être facilement repérable par les robots des moteurs de recherche. 
Les 10 termes les plus recherchés sur Google depuis début 2012
Toute catégories confondues, les mots les plus recherchés sur Google en France depuis le début de l’année 2012 sont entre autres Free, France, Hollande, Sarkozy ou encore PSG. Ces mots sont donc une assurance à la fois d'être vu par les robots, mais aussi de cadrer avec les recherches les plus récurrentes des internautes. Concrètement, si un individu recherche "Hollande" sur Google, il verra remonter en plus de la page Wikipédia et le site de campagne du candidat socialiste, ainsi que le site de l'office néerlandais du tourisme, les articles à la une qui comportait "Hollande" dans le titre. Sans compter tous les articles visibles à partir de l'onglet Actualités.
Résultat de la recherche "Hollande" le 5 Mars à 19h
La titraille revêt donc une importance capitale. Elle doit aller droit au but, contenir l’information, les mots clés principaux, et surtout ne doit pas être imagée. Pour prendre l’exemple de François Hollande, il est indispensable de le citer dans le titre et non pas user des termes comme « le candidat socialiste », etc. Par exemple, un article d'hier intitulé : « Pacte anti-Hollande: Sarkozy et les grandes capitales démentent tour à tour » est remonté car le titre comporte les mots clés « Pacte » « Hollande », « Sarkozy ». Si il s’était intitulé «  Front européen anti candidat socialiste : le président de la république et les grandes capitales démentent tour à tour », force est de constater qu’il n’aurait probablement pas été aussi visible par les robots. 

Cet exemple caricatural montre que le titre joue un rôle primordial dans le recensement d’un article par les moteurs de recherche. La raison est toute simple : Google part du principe que chaque titre détermine ce qu’il y aura dans la page. Le choix des mots clés a donc son importance, mais celui des termes périphériques l’est tout autant. Ils doivent être les plus signifiants possibles et ne pas laisser de place à l’ambiguïté. Le titre ne fait évidemment pas tout. Le thème de l’article, les mots clés et ceux appartenant à son champ lexical doivent évidemment être répétés plusieurs fois dans l’article.

Dictature du lectorat ou retour aux sources?
Ce nouvel aspect du journalisme pourrait permettre une sorte de retour aux bases. Le journaliste a la vocation d'écrire pour un lectorat, mais trop souvent, il tente de se démarquer en ne se tenant pas aux simples faits, et en y apportant une interprétation. La tendance qu'ont les lecteurs à exiger une information précise, formulée de façon simple et concise contraint ainsi le professionnel à repenser cette façon de transmettre l'information. 

On aboutit alors à cette équation simpliste certes, mais assez évocatrice : Objectivité + Clarté + Précision dans les termes = Recensement par les moteurs de recherche = Plus de lecteurs 

Pour certains, la SEO dénature le métier de journaliste car elle pousse le professionnel à écrire uniquement sur des sujets en mesure de provoquer l’intérêt de l'audience et susciter des réactions. C'est pourtant le coeur du métier de publier pour son audience. La profession doit rester réceptive à ces demandes, et les outils de SEO permettent d'aller en ce sens, tout comme ils donnent la possibilité de s'assurer que les articles seront vus, donc lus. 

Permettre aux rédactions de connaitre le profil de leurs lecteurs, et leur apporter une information précise et de qualité, tel est donc le double objectif des techniques de SEO. Elles permettent au journalisme de s'adapter aux évolutions technologiques et aux nouvelles pratiques des "consommateurs d'information" afin de rester des sources d'information pertinentes et essentielles aux yeux des lecteurs.

Sources : Owni.fr - Slate.fr

dimanche 26 février 2012

LE "VÉRITOMÈTRE ", DÉTECTEUR DE MENSONGES DE LA PRÉSIDENTIELLE

Il est l’une des inventions très spéciales des journalistes web cette année dans le cadre de l’élection présidentielle française. Le Véritomètre a été lancé il y a dix jours par Owni.fr et I-télé, et il n’en finit pas de faire le buzz sur la toile. Son principe assez répendu dans la presse anglo-saxonne est très simple : il décortique dans les moindres détails les discours des six principaux candidats à la présidentielle, et vérifie chaque déclaration et chaque chiffre avancé, grâce à une base de données statistiques spécialement créée. Le tout pour démontrer si ce qu’annonce le candidat est crédible, ou non.

Page d'accueil du Véritomètre au 26 février 2012
Un condensé de nouvelles pratiques journalistiques
Cette initiative, au-delà de ce qu’elle permet, crystallise les nouvelles tendances en journalisme qui se développent actuellement. Le data-journalisme, principe même du Véritomètre, en est une. Cette pratique qui se normalise désormais dans le métier consiste à extraire et analyser des données chiffrées, afin de les rendre accessibles à chaque citoyen. Le citoyen justement est au centre de l’attention des concepteurs. En effet, ces derniers ne proposent pas uniquement de vérifier eux-même les chiffres annoncés par les candidats, ils mettent aussi à disposition des internautes des données statistiques (graphiques, tableaux, etc.), délivrées en grande partie par l’Insee et Eurostat, afin qu’ils puissent faire ce travail dans une démarche d'investigation personnelle. Pour Fabrice Angotti, rédacteur en chef de I-télé, le Véritomètre « donne la possibilité au citoyen de faire sa propre vérification. En temps réel quand on est devant notre télévision à écouter Nicolas Sarkozy ou François Hollande, et que ces candidats martèlent des chiffres, on a la possibilité d’aller enfin voir de manière assez simple si ce qu’ils disent est vrai ou pas ».

« Déshabiller les candidats de leur armure de chiffres »
Cette petite phrase est signée Sylvain Lapis, journaliste politique d’Owni.fr, et co-concepteur du Véritomètre. Pour lui, il s'agit de voir « ce que les candidats ont à proposer en terme de politique, de vrai programme, de projet de société », en vérifiant si l'utilisation des chiffres se fait de manière exacte et au service du discours et du programme, ou au contraire à des fins de mensonges aux citoyens. Alors comment fonctionne cet outil? Petit travail pratique : 

Nous sommes aujourd’hui le dimanche 26 février, et le Véritomètre a actualisé à minuit son classement des candidats sur la base de la crédibilité de leurs propos.

Classement de crédibilité des 6 principaux candidats à la présidentielle au 26 février 2012
Jean-Luc Mélanchon est en tête du classement de crédibilité. Cela signifie simplement que durant ses interventions, le candidat du Front de Gauche est celui qui utilise le plus souvent des données exactes. A l’inverse Marine Le Pen ment près d'une fois sur trois lorsqu'elle donne des informations chiffrées. Pour en arriver à cette conclusion, Owni.fr a vérifié les différents chiffres avancés depuis le début de la campagne par les candidats durant leurs discours, en les confrontant avec ceux présents dans la base des données du site.

5 thèmes majeurs du débat de l'élection présidentielle


Evidemment, le Véritomètre ne prétend pas à l’exhaustivité de ses statistiques, il arrive ainsi que certaines interventions médiatiques ne permettent aucune vérification. Mais le point fort du site reste l’organisation en arborescence, qui donne à chaque internaute la possibilité de retrouver aisément des chiffres souvent repris par les candidats, comme par exemple l'évolution de la dette publique en France depuis 2000 :




Evolution de la dette publique française depuis 2000, accessible sur le Véritomètre
Prenons l'exemple des chiffres avancés par François Hollande. Avec 66,7% de moyenne, il est le deuxième candidat jugé le plus crédible dans ses interventions derrière Jean-Luc Mélanchon, et assez loin devant son principal rival Nicolas Sarkozy, qui obtient 51,9% de crédibilité. Le dernier grand meeting de François Hollande à Rouen le week-end dernier a été passé au crible et crédité de 70% de crédibilité. Ci-dessous quelques exemples de vérifications des chiffres annoncés par le candidat socialiste ce jour là.

Évaluation de citations du discours de François Hollande du 15 février 2012

Avec cette image, on se rend compte pour finir, que le site peut aussi mettre en avant l’imprécision des propos. Ceci constitue un avantage, quand on connait la tendance qu’ont les politiciens à exagérer certains chiffres en les surestimant.

En direct ou en différé, le véritomètre sert donc de détecteur de mensonges aux citoyens. Plus encore, ce concept de "fact-checking" est un outil démocratique qui permet de voir de façon extrèmement concrète, même si le site n’est pas exhaustif au niveau des statistiques fournies, quel candidat sort du lot en matière de crédibilité de ses propos. 

mercredi 22 février 2012

LE GUARDIAN LANCE NEWSDESK LIVE : UN PAS DE PLUS VERS LE JOURNALISME PARTICIPATIF


Alors que « Horizons médiatiques » vous présentait dans un dossier paru le mois dernier les initiatives du « Guardian 2.0 », sensées permettre au journal de faire face à la crise de la presse, le quotidien britannique a lancé le 30 janvier dernier Newsdesk Live. Son objectif : franchir une nouvelle étape dans la participation des lecteurs à la conception du journal.

La suite logique de la Newslist
Après s’être lancé dans le Datajournalisme, après avoir créé son application Facebook et Ipad, et après avoir donné naissance au Tagbot, le robot Twitter, le Guardian a franchi un pas supplémentaire dans l’innovation journalistique et le journalisme participatif, dont il se fait le pionnier. Newsdesk Live est donc le nouveau bijou du journal britannique, venant dans la continuité de la Newslist présentée au sein du dossier cité précédemment.

Open Newslist du 22 Février 2012

Pour rappel, cette Newslist permet à chaque internaute d’accéder librement aux différents sujets à venir, traités par la rédaction du Guardian. Cet agenda ouvert à tous, présenté sous la forme de tableur et intégré par Google Doc est une sorte de document de travail partagé, dans lequel sont listés les sujets du jour et le journaliste en charge. Les lecteurs sont alors invités, par l’intermédiaire du hashtag #opennews sur Twitter, à prendre part au travail de la rédaction. L’internaute peut ainsi apporter ses suggestions, ses témoignages, ses contradictions.

Newsdesk Live va encore plus loin
Pour compléter cet outil qui n'est pas sans failles, le Guardian a donc conçu le blog Newsdesk Live, mis en place le 30 janvier dernier. 

Sur la page d’accueil du site se trouve le petit encart ci-contre. Pour les non anglophones, une traduction s’impose : « Chaque jour sur Newsdesk Live, l'équipe de la rédaction du Guardian vous apportera les nouvelles que nous avons recensées, vous expliquera comment nous les avons sélectionnées, et vous demandera de vous impliquer. Envoyez-nous vos idées, vos témoignages et expériences pour aider à façonner notre couverture ».

Le message est clair, les lecteurs sont invités à participer à la fabrication du journal. En ce 22 février, les deux sujets principaux étaient le verdict en appel concernant la possibilité des manifestants anticapitalistes à poursuivre ou non leur mouvement devant la cathédrale Saint Paul  de Londres, ainsi que les problèmes au sein de la compagnie de travail A4E. Les sujets sont ainsi recensés dans ce tableau.



Tableau des sujets du 22 Février 2012

On constate ici que chaque sujet est accompagné du journaliste qui le traite, afin que l'internaute puisse échanger avec lui via Twitter. Mais la principale révolution de Newsdesk Live par rapport à la Newslist, c'est que l’internaute n’est pas obligé de se limiter à Twitter et donc aux 140 caractères d’un tweet. Il peut désormais contacter le journaliste par mail. De plus afin de rendre compte de l'avancée des articles et de certaines correspondances internaute/journaliste, un fil interactif animé par Polly Curtis, figure clé du journalisme participatif au Guardian, a été créé. Ce fil a donc pour vocation de former une sorte de « brain-storming ». On se rend malgré tout compte qu'en dépit des intentions de mêler les commentaires des internautes et des journalistes, ces derniers sont largement sur-représentés. 


Vers une généralisation de ces outils?
Les médias l'ont bien compris, les internautes veulent, en plus de suivre en temps réel et de chez eux l'actualité, être impliqué dans le processus de fabrication de l'information. Certaines plateformes offrent la possibilité de se muer en journaliste amateur, c'est notamment le cas du Post en France. D'autres comme le Guardian avec Newsdesk Live permettent de tenter l'expérience de la conférence de rédaction ouverte. Cette collaboration a différents degrés d'implication. Par exemple en Suède, le quotidien régional Norran a mis en place un live chat permettant aux lecteurs de discuter en temps réel avec la rédaction sur les idées de sujets. Rue 89 en France propose une conférence de rédaction les jeudi à 9h retranscrite en chat par des journalistes, offrant la possibilité de réagir. Ces démarches permettent cependant davantage une immersion plutôt qu'une réelle interaction. Elles assouvissent toutefois le besoin de proximité des internautes avec les médias.