vendredi 6 janvier 2012

LES MEDIAS COLLABORATIFS : QUAND LES CITOYENS DEVIENNENT DES JOURNALISTES

C’est une tendance induite par les nouvelles technologies : les médias et en particulier les journaux de presse écrite sont confrontés à un bouleversement des pratiques de leurs lecteurs. Terminé le temps de la « consommation » passive de l’information, aujourd’hui ces derniers veulent s’approprier les outils internet pour réagir, débattre et être impliqué en temps réel dans l’actualité.

Qu'ont en commun Agoravox, Le Post et Rue 89 en France, N0tice et The Huffington Post en Amérique du Nord et en Angleterre, ou encore OhMyNews en Corée? Ce sont tous des pure players collaboratifs.  Lancé en février 2000 sous le slogan "Chaque citoyen est un journaliste", le dernier cité a été  le précurseur du genre. Avant de disparaitre en 2010, il a précédé de plusieurs années ses équivalents européens. Ces nouveaux médias ont été lancés dans un contexte d'évolution des pratiques journalistiques et des besoins des lecteurs : être au cœur de l’actualité, la vivre en direct, et surtout y réagir fait désormais parti de leurs prérogatives.  C’est précisément en partant du principe que chaque citoyen a son point de vue sur l’information et qu’il peut le développer, le partager et en débattre au sein de la communauté que les sites collaboratifs sont nés.

La France et la Grande Bretagne : les pionniers européens du journalisme collaboratif
Dans notre vieux continent, puisque c'est bien de celui-ci dont il s'agit dans ce blog, deux pays se démarquent par leur capacité à innover et offrir ces nouveaux outils : la France et la Grande Bretagne. On distingue alors deux modèles de médias collaboratifs : ceux qui misent sur le débat et la confrontation d’idées, et ceux qui offrent une information de proximité en proposant par exemple un service de géolocalisation. Agoravox, Rue 89, Le Post et The Huffington Post font parti de la première catégorie.

Le média citoyen  "Agoravox", lancé en Mars 2005 en France a été la première initiative européenne de journalisme citoyen. Sa politique éditoriale résume parfaitement la ligne directrice de la plupart des médias de ce type : « mettre librement à disposition de ses lecteurs des informations thématiques inédites, détectées par les citoyens ». Le collaboratif renvoi donc ici à une forme de journalisme indépendante du système médiatique traditionnel, misant sur la diversité des profils et la capacité de veille des lecteurs. La suite de l’explication va dans ce sens : « Nous sommes (…) persuadés que tout citoyen est potentiellement capable d’identifier en avant-première des informations difficilement accessibles, volontairement cachées ou ne bénéficiant pas de couverture médiatique. ».

"Rue 89" s’inscrit dans une logique assez similaire : créé en 2007 par des journalistes de Libération ce site se veut être un « point de référence obligé pour tous ceux qui (...) se passionnent pour la confrontation d'idées ». Rue 89 a la particularité de permettre aux internautes de proposer leur analyse de l’information, en se mêlant aux regards portés sur l’actualité par les journalistes professionnels. 

Dernier exemple français, et non des moindres, "Le Post", fondé en 2009 par Le Monde Interactif. C'est aujourd’hui le premier site d’information participatif en terme de collaborateurs.

A l'étranger le Huffington Post tend à être le pionnier de l'information collaborative. Il fonctionne sur ce même principe d'échange et de partage entre l'information proposée par les professionnels et par les citoyens. Lancé aux Etats-Unis en 2005, ce site s'exporte désormais en Europe avec un objectif de rentabilité maximale : depuis l’an passé, il propose une édition anglaise, alors qu'une édition française est en cours de création.

Enfin, dans une autre optique, le journal The Guardian a lancé en janvier 2011 N0tice, une plateforme spécifiquement dédiée à l’information hyperlocale. Cet outil a pour objectif de permettre à chaque citoyen de couvrir sa zone géographique. Lors de sa connexion sur le site, le lecteur a alors accès au contenu publié par les correspondants présents autour de sa localité.

Balle dans le pied pour les journalistes ou ouverture démocratique ?
Cette forme de journalisme citoyen pose plusieurs questions : celle de la cohabitation entre les journalistes professionnels et les amateurs, et celle de la qualité de l’information diffusée sur Internet. Rappelons que cette évolution a davantage été subie que choisie par les médias : les lecteurs ont été à l’initiative de cette émergence en prenant conscience qu’eux aussi pouvaient être journalistes, à leur niveau. Or comme le rappelle les éditeurs d’Agoravox l’échange qui émerge de ces sites, le débat, la confrontation des opinions constitue une « ouverture démocratique ». Le journalisme dont la mission première est d’être garant du pluralisme d’opinion peut donc sortir gagnant de cette nouvelle tendance. 
Mais pour que la cohabitation entre le journaliste citoyen et le journaliste professionnel aboutisse à une information de qualité, il demeure indispensable que les professionnels continuent d’encadrer et modérer ces sites.

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