dimanche 22 janvier 2012

INFORMER AUTREMENT : LE DEFI DU WEB-DOCUMENTAIRE

Le bonheur brut, Prison Valley, Thanatorama… tous ces noms sont ceux de web-documentaires. D'un esthétisme nouveau, mélangeant la vidéo, l’audio et l’écrit, favorisant la lecture interactive, le genre n’est apparu qu’à la fin de l’année 2010 en Belgique. C’est « Le bonheur brut », mis en ligne par le journal Le Soir qui en a été le précurseur.  Focus sur un genre novateur d’écriture journalistique. 

Nous sommes le 15 décembre 2010 : le journal Le Soir met en ligne sur son site internet une production journalistique d’un nouveau genre, un web-documentaire (webdoc). Celui-ci est l’œuvre d’Arnaud Grégoire, journaliste internet et spécialiste des matières socio-économiques. Son  nom : Le bonheur brut. Son concept : expliquer la complexité des indices de développement économiques.

Interactif et ludique 
Le web-documentaire est par définition un documentaire dont la conception et la réalisation sont faites pour une diffusion sur le Web. Il est  basé sur un schéma cinématographique : "exposition, développement, conclusion", ce qui le distingue d’un site internet classique.

Grâce à ces sites, une nouvelle forme d’écriture journalistique se développe. En effet pour le journaliste belge Patric Jean, écrire un webdoc : «c’est imaginer un scénario qui sort de la linéarité traditionnelle d’un reportage ou d’un documentaire. Avec ces supports, on n’est plus contraint de partir d’un point A pour arriver à un point B». Le webdoc est donc scénarisé, mais laisse au visiteur la possibilité de ne pas suivre cette trame. C’est à travers cette singularité là qu'il trouve son sens et son intérêt novateur. Pour comprendre le sujet et les points de vue proposés par le concepteur, le lecteur peut naviguer comme il le souhaite sans penser de façon linéaire. Il peut intervenir dans la trame narrative, choisir le prochain chapitre de l’enquête qu’il regarde, interagir avec les personnages du documentaire. C’est cela qui lui donne la possibilité de multiplier les angles, les points de vue, et d’aller plus loin dans le sujet.

Le journaliste qui décide de se lancer dans ce projet doit alors posséder deux qualités : la première n’est pas nouvelle, il doit être pertinent, clair, précis dans ses propos. La deuxième n’est pas donnée à tout le monde, il doit avoir des qualités de structuration et de scénarisation de l'information. La raison d’être de  ces sites réside dans le fait que l’internaute peut choisir ce qu’il regarde en fonction de l’angle qu’il souhaite explorer. Or si le récit est mal conçu et mal équilibré le visiteur risque de prendre uniquement quelques morceaux et passer à côté de ce que le web documentaire souhaite transmettre.

Le webdoc s'inscrit ainsi dans la réflexion sur les manières de raconter l’information aujourd’hui. Pour Céline Walschaerts, coordinatrice du Fonds pour le Journalisme «si on arrive à encourager le plaisir de s’informer et rendre l’internaute acteur de sa consommation d’information, ça ne peut être que bénéfique ». Pour Philippe Laloux, responsable des médias numériques du Soir « le webdoc, c’est la preuve par A plus B qu’il est possible de faire du journalisme de qualité sur Internet, de favoriser la lecture lente et approfondie ». 

Le Bonheur Brut : pionnier en la matière en Belgique

Il a donc été le premier webdoc créé en Belgique. Il est désormais considéré comme la référence en la matière dans ce pays. Le Bonheur Brut a été créé en 2010 par Arnaud Grégoire et récompensé le 28 avril 2011 par le prix Dexia de la presse économique et financière, soit le prix de référence en journalisme en Belgique. Il est visible via le site du Soir : http://blog.lesoir.be/bonheurbrut/le-webdocumentaire/ Pour le définir sommairement, il présente des indicateurs alternatifs de croissance et de développement, sur fonds d’une problématique plus « humaine » : le développement économique d’un pays va-t-il de pair avec le bonheur de ses habitants ?


Le Bonheur Brut est conçu sur la structure traditionnelle du webdoc "exposition-développement-conclusion" :  Ainsi, après avoir démontré que les indicateurs traditionnels que sont le PIB et l'IDH ne prennent pas en compte un certain nombres de critères (environnementaux, sociaux, humains), le journaliste présente des indicateurs alternatifs mis au point : l'indice de santé sociale, l’indice de progrès véritable, le bonheur national brut mis en place au Bouthan ou encore des indicateurs de bien être en projet en Belgique. En parallèle, il emmène le visiteur à la rencontre de groupes comme les Objecteurs de croissance ou l'Iweps (Institut Wallon de l'évaluation, la prospective et la statistique) qui a mis en place un groupe chargé de veiller au bien être des habitants, ou encore le premier ministre Bhoutanais.

Les récits informatifs riches, fouillés et très pédagogiques font leur effet. L'auteur parvient à expliquer de façon simple et claire la complexité des outils de mesure de croissance et de développement, tout en amenant le lecteur à réfléchir sur le réel fondement de ces derniers. Au final, l'expérience interactive permet un parcours informatif individuel.

Le webdoc apporte donc un plus à l'écriture journalistique sur le web. Ses atouts ajoutés aux qualités de sélection, de tri et de structuration des journalistes font de lui un genre journalistique d'avenir.

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